Skip to content

Il est bien rare que nous y pensons, mais il y a des vestiges en nous d’une très longue évolution

Pendant un temps immémorial d’abord, au cours de centaines de millions d’années, nous n’avions aucune identité propre, nous étions des êtres unicellulaires, sans noyau, à la vie non promise à la mort allant vers l’avant, mais aussi réversible. Bactérie était notre nom.

Et puis vint un moment incroyable, une symbiose initiale entre bactéries qui conduisit aux êtres à noyaux. Dorénavant, naîtraient des espèces et il devenait possible d’entrevoir une très grande diversité.

Et l’eau fut longtemps notre milieu naturel, jusqu’à ce que certains, avec grande audace, décident d’en sortir, les tétrapodes, sorte de poissons à pattes. Mais, antérieur aux tétrapodes, il y eut l’Eusthenopteron Foordi, dont on a découvert les fossiles à Miguasha, en Gaspésie.

Comme l’écrivait Henry Gee, une sommité anglaise en biologie, dans le journal Le Monde du 5 octobre 1996, pourquoi quitter un milieu si confortable pour oser « une pauvre existence sur une terre où, en quelques minutes, le soleil brûle un organisme sans protection, où la pesanteur rend les déplacements pénibles, où respirer exige des efforts » ?

Bien aventuriers étions-nous. Et sur les nageoires avant d’Eusthenopteron, il y avait la promesse de nos mains, de nos bras et de leur articulation, comme sur les nageoires arrière, les fémurs, les tibias et les péronés. Bientôt, nous serions sœurs et frères de la fougère et de la libellule retrouvées fossilisées voilà 300 millions d’années.

Pour la suite, recourons à un des travaux de François Y. Doré, professeur émérite de l’École de psychologie de l’Université Laval à Québec, Les origines du comportement humain et de la culture.

Nous parlions de vestiges. Doré écrit : « Les animaux ne sont pas les seuls à présenter des caractères vestigiaux. Ils sont nombreux chez notre propre espèce. Par exemple, si vous êtes capables de remuer les oreilles, vous faites la démonstration de notre évolution. Sous le cuir chevelu, trois muscles sont attachés à nos oreilles. Chez la plupart des individus, ils sont non fonctionnels, mais certaines personnes [dont j’en suis] ont conservé la capacité de les utiliser pour remuer les oreilles. Ce sont les mêmes muscles qu’utilisent d’autres animaux comme les chats, les chevaux, ou les macaques pour localiser les sons. Chez ces espèces le mouvement de ces muscles oriente les oreilles pour qu’elles puissent détecter les prédateurs, localiser leurs petits, etc. Chez les humains, ces muscles ne servent qu’à donner un bon spectacle aux parents et amis… » (page 67)

Mais ce qui fascine grandement, c’est d’apprendre des faits relatifs à la grossesse de la mère. Cet extrait-ci, par exemple :

Selon l’hypothèse évolutionniste, les nausées et les vomissements au début de la grossesse seraient une adaptation apparue chez nos ancêtres qui a permis de protéger la mère et son embryon des microorganismes et des toxines contenues dans la nourriture. Parce qu’ils contiennent des bactéries et des virus, les aliments, surtout les viandes, constituent en effet une source importante de maladies pour la mère immunodéprimée. Chez nos ancêtres, ce problème était particulièrement aigu avant la découverte du feu et la cuisson des aliments. Le problème a persisté longtemps après cette découverte puisque les moyens de conservation des aliments étaient très limités. (page 4)

Et même la configuration du bassin est en jeu :

En plus des contraintes structurelles, des contraintes phylogénétiques sont aussi à l’origine de certains traits sans que ces traits ne soient des adaptations issues de la sélection naturelle. L’étroitesse du bassin des femmes, qui rend l’accouchement si long et si douloureux, en est un exemple. Avant l’avènement de la médecine moderne, l’accouchement était très risqué et était la cause d’un nombre important de décès autant du bébé que de la mère. Il y a lieu de se demander pourquoi l’évolution n’est pas arrivée à une meilleure solution. C’est que la structure du bassin est un compromis entre les besoins de l’accouchement et ceux de la marche bipède. (page 126)

 Et attrapons comme conclusion ce passage de François Y. Doré :

Comme nous l’avons vu, l’évolution n’est pas orientée vers un but ou une finalité ultime et l’espèce humaine n’occupe pas de place privilégiée dans la nature. De la même manière que tous les autres animaux et toutes les plantes, notre espèce a été façonnée par la sélection naturelle et par un ensemble de contraintes. Comme le biologiste Jacques Monod l’a si bien résumé dans le titre de l’un de ses livres, nous sommes le fruit du hasard et de la nécessité. Plus précisément, nous sommes le résultat du hasard des mutations et de la nécessité de l’adaptation. (page 77)

 

François Y. Doré, Les origines du comportement humain et de la culture, Montréal, Éditions MultiMondes, 2015.

Voir aussi ce billet.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS