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Voilà l’Académie française bien embêtée

marchand ambulant automobile

Une manière de parler, car ils ne sont que dix membres à se réunir.

Nous sommes en 1900. Quelques automobiles viennent tout juste d’apparaître dans les rues des villes et les routes des campagnes. Le mot appartient-il au genre masculin ou au féminin ? La Patrie du 11 août 1900 raconte.

L’Académie française a tranché la question : automobile est désormais du masculin. Inclinons nous devant l’autorité de la chose jugée. […]

On peut le dire sans manquer de respect à l’Académie française. La sentence rendue est l’œuvre d’une minorité. Dix membres seulement étaient présents. Sept ont voté pour le masculin, trois pour le féminin. Sept lumières, comme au chandelier d’Israël, ont éclairé cette question obscure. Et il faut bien avouer qu’on n’y voit pas encore très clair.

L’Académie, avant de se prononcer, avait fait une enquête. Elle s’était adressée à l’Automobile Club. En demandant l’avis des gens qui prononcent le plus souvent le mot litigieux, elle appliquait la règle de Malherbe, qui est de suivre l’usage.

Malheureusement, les gens qui pratiquent le motocyclisme ne disent guère automobile. Ils disent «auto» tout simplement. Et c’est là un mot court, informe et brutal, qui élide tout ce qu’il rencontre, et sur le genre duquel les plus experts auraient peine à se déclarer. Les professionnels disent aussi «teuf-teuf».

L’Académie a recherché le genre du mot automobile dans les textes, c’est-à-dire dans les prospectus. Elle a constaté avec regret que les deux genres étaient employés. Désespérant de trouver une autorité qui confirmât son jugement, ou une raison sérieuse qui put la fonder, elle eut recours au hasard mystérieux du vote. […]

Peut-être les Sept ont-ils pensé qu’on devait sous entendre non pas voiture, mais véhicule, qui est un mot dont la physionomie est absurde. Peut-être… […] L’Académie a peut-être moins pensé à lui qu’à la machine qu’il représente, laquelle se rue sur les routes dans un tourbillon empesté. Ce tourbillon laisse apercevoir des monstres de caoutchouc, qui font des gestes humains. Un horrible fracas accompagne leur passage. Peut-être un si aimable ensemble de fer, d’huile et de feu exigeait-il, en effet, qu’on le mit au masculin. Et, au surplus, quelque genre qu’on lui attribue, il n’en écrasera pas moins les passants.

 

La photographie d’un marchand de fruits ambulant prise par Conrad Poirier le 30 janvier 1937 dans une rue de Laval-des-Rapides est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec du Vieux-Montréal, Fonds Conrad Poirier, Photographies, cote : P48, S1, P1717.

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