Une œuvre québécoise monumentale a 80 ans
Le 1er avril 1935, paraissait Flore laurentienne, du frère Marie-Victorin, une somme, une référence, un grand répertoire des plantes méridionales du Québec. Toute personne s’intéressant à la botanique du nord-est de l’Amérique du Nord doit posséder une copie de cet ouvrage de plus de 1000 pages.
Personnellement, j’y reviens régulièrement depuis de nombreuses années. Mais ce que j’aime lire et relire, ce sont les pages liminaires. Marie-Victorin avait une belle plume. Et au début du livre, en 80 pages, il nous entretient du pays québécois et du dynamisme de la flore laurentienne. Voici quelques extraits.
Marie-Victorin a fait place au langage vernaculaire. Mais il nuance ainsi : Les canadianismes véritables, c’est-à-dire spécifiques et d’usage courant, sont plutôt en petit nombre. Ils forment un trésor linguistique d’une valeur inestimable, mais qui, vraisemblablement, ne s’accroîtra plus. Les conditions de la vie moderne, une impitoyable standardisation par l’école et la radio, par le cinéma et le journal, ne permettent plus cet insularisme de la vie quotidienne, ces processus lents et cumulatifs qui aboutissent à la création folklorique.
Plus loin, il constate : La Laurentie est vraiment le pays de l’eau : les pluies sont abondantes, les lacs et cours d’eau innombrables. C’est pourquoi la couverture normale est la forêt, avec absence presque totale de prairies naturelles. Le climat du Québec est donc, dans l’ensemble, un climat continental, caractérisé par un grand écart des températures extrêmes, par l’abondance des précipitations, et par l’influence de la couche de neige hivernale.
Et d’autres mots encore.
La toundra [de l’Arctique] est en réalité une immense tourbière dont l’étendue, la solitude, l’uniformité et le silence sont saisissants.
Nul biologiste ne voudrait aujourd’hui nier la proposition suivante : «Aucun être vivant ne peut prendre naissance en dehors de la continuité du plasma de ses ancêtres.»
Nous savons l’estuaire du fleuve Saint-Laurent un milieu de vie fort important. Pour le faire comprendre, il écrit : Nous entendons ici par estuaire, — nous l’avons dit plus haut, — la partie des rivières débouchant à la mer et baignée deux fois le jour par les marées d’eau douce […] L’habitat estuarien constituerait donc encore un véritable insularisme physiologique, avec toutes les conséquences que cela entraîne. D’autre part, le rythme incessant d’émersion et d’immersion qui, quatre fois par vingt-quatre heures, modifie profondément toutes les conditions de respiration, de transpiration, de nutrition et de photosynthèse, pourrait bien être un facteur de première importance. Ce rythme estuarien reproduit toutes les phases et tous les chocs du rythme saisonnier, il en est quelque chose comme la haute fréquence, en sorte que l’individu, et par la suite l’espèce, vivent pour ainsi dire plus vite, brûlant les étapes qui ont pour terme de nouvelles possibilités biologiques.
On trouve une biographie de Conrad Kirouac, dit frère Marie-Victorin, par le chroniqueur scientifique Pierre Couture dans le Dictionnaire biographique du Canada.
On peut lire aussi ce billet du journaliste Yannick Villedieu sur le site d’Ici Radio-Canada.
L’illustration ci-haut est la page couverture de la troisième édition de Flore laurentienne chez l’éditeur Chenelière Éducation.
Vous avez parfaitement raison pour les pages liminaires… Cette « bible » ayant trouvé place sur mes rayons depuis 1975-76(elle a servi beaucoup, elle sert et servira encore !), j’avais depuis oublié la richesse et la beauté de cette longue introduction… Merci de l’avoir rappelée à ma mémoire !
Bonjour M Provencher. Est ce que c’est la plus récente?
Merci.
C’est la plus récente, en effet, chère Alice. Elle remonte à 2002. On peut la trouver chez les libraires à quelque chose comme 120$.