Skip to content

Croyez-vous que parler à une bête augmente ses capacités cognitives ?

L’auteure et journaliste française Karine Lou Matignon, qui se penche sur la relation entre l’homme et l’animal depuis près de 30 ans, croit que, grâce au travail des éthologues, nous savons maintenant que parler à un chien accroît ses capacités cognitives.

Le fait de parler en appuyant sur certains mots, en modifiant l’intonation, en choisissant des phrases courtes […] lui permet de mieux saisir les informations qui lui sont transmises. […] En réalité, si une voix humaine se renforce sur la prononciation des phonèmes d’une phrase, le chien va tourner plus facilement la tête vers la droite, preuve qu’il implique, comme nous le faisons nous-mêmes en pareil cas, son hémisphère gauche. À l’inverse, si la voix accentue l’intonation émotionnelle, l’animal utilise, selon les mêmes modalités que l’homme, l’hémisphère droit de son cerveau et fait pivoter sa tête dans l’autre sens.

À l’occasion, j’ai bien tenté de parler aux animaux. J’ai constaté que parler à un jeune écureuil de l’année comme à un dindonneau, même à voix très douce, les amenait à fuir. Si, à leur retour, je demeurais silencieux, tout allait bien.

Imiter le chant du merle qu’il pratique à l’aube ou les jours de grande chaleur, l’été, ne le dérange nullement. Mais reprendre son chant d’impatience, de trois, quatre ou cinq coups très saccadés, l’importune et l’amène à le reprendre encore plus fort.

Cela dit, c’est avec la chatte ensauvagée arrivée chez moi voilà 15 mois, que je fus peut-être responsable en partie de ce qu’elle commence à miauler. À son arrivée, complètement aphone, elle ouvrait bien le bec mais sans que jamais elle ne soit capable d’émettre un son. Bientôt, elle me suivit dans mes explorations sur le terrain, mais à distance, et je ne cessais de me retourner et de lui parler. Son silence dura quatre mois. Soudain, un son très fin et très court sortit de sa gorge, un son qui se répétait et se répétait jusqu’à ce qu’il devienne enfin un miaulement.

Par ailleurs, aujourd’hui, elle comprend quelques mots très courts. « Vas-y » signifie que je gagne la galerie avant avec son assiette de nourriture. « Viens » veut dire que je retourne à la porte arrière pour aller lui chercher de la nourriture. Et, à chaque fois, elle me précède pour aller à l’avant ou à l’arrière.

Avant de quitter ce sujet, voici cet extrait d’un ouvrage de la philosophe, parolière et artiste hollandaise Eva Meijer :

Selon [Jacques] Derrida, le langage est toujours artificiel, c’est un pont jeté entre les îlots que nous sommes tous. Il signifie par là que le langage n’est ni naturel ni préétabli ; cela vaut pour les langages des êtres humains, des animaux, et pour ceux qu’ils ont en commun.

 

Karine Lou Matignon, Paroles d’animaux, Écouter ce qu’ils ont à nous dire, Paris, Éditions La Découverte et Issy-les-Moulineaux, Arte Éditions, 2018, p. 154.

Eva Meijer, Les animaux et leurs langages, Essai, traduit du néerlandais par Sandrine Maufroy, Éditions Presses de la Cité, 2019, p. 269.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Bruno #

    Merci beaucoup pour votre publication. Cela porte à la réflexion.

    Suivant cela, je serais aussi porté à croire que d’échanger activement avec d’autres espèces animales augmenterait, aussi, nos propres capacités cognitives.

    Échanger, c’est se reconnaître mutuellement, renaître à deux d’une certaine façon. Merci encore!

    13 janvier 2020
  2. Jean Provencher #

    Formidable, monsieur Bruno, votre réflexion ! Augmenter nos propres capacités cognitives. Renaître à deux. J’aime beaucoup. Merci à vous de pousser le sujet encore plus loin.

    13 janvier 2020

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS