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Hommage au poète, musicien et traducteur acadien Ronald Després

Il est né à Moncton, au Nouveau-Brunswick, bien sûr, en 1935, a étudié au collège de Memramcook, à Pointe-de-l’Église, en Nouvelle-Écosse, et à Paris. Vous en saurez davantage sur ce premier poète moderne acadien en gagnant la page Wikipédia qui lui est consacrée.

Un jour, je suis passé aux Éditions d’Acadie et j’ai fait le plein de livres, même d’un ouvrage de recettes acadiennes. Et j’ai attrapé, en particulier, ce livre-ci de Ronald Després. Extrait. Un texte magnifique et surprenant.

 

Dans les conflits du vent

Dans les conflits du vent, le sortilège s’organise…

Les passants viennent d’éteindre les derniers falots de leur marche.

Depuis longtemps déjà, les gamins de la rue sont éparpillés sous les couvertures de laine où chacun reçoit la portion de rêve qui lui revient…

L’horloge de l’hôtel de ville, imposante de poussière et de retard, dote ses ding! dong! du son mat des galets qui dévalent une falaise.

 

Réverbères, c’est l’heure ! Sortez des allées et des boulevards où l’on a relégué vos immuables cous de girafe. Gambadez la tête haute devant les façades où paupières et volets sont clos. Mais gare à vos clins d’œil ; il ne faut pas qu’un black-out définitif s’installe sur la ville.

Au fond des ruelles du quartier des pauvres, un vieux réverbère tout couvert de rouille s’abstient de la fête, car les rhumatismes le maintiennent ancré dans le trottoirs. En guise d’abat-jour, il a coiffé son globe d’un bonnet de cuisinier et il fait la conversation aux chats égarés qu’il remet sur la piste de délicieuses poubelles. Parfois, il décroche l’une des tiges de fer qui lui servent de membres et calotte doucement les enfants qui n’ont pour toit que les étoiles.

Parfois aussi, un monsieur s’avance en zigzag, comme une fourmi chargée d’un gros brin d’herbe, et vient lui donner l’accolade.

Les autres réverbères s’attroupent sur le rond-point, faisant miroiter leurs lumières dans le grand silence qui règne. Ils exécutent des pirouettes, valsent, et construisent des pyramides qui ne sont pas loin de ressembler à la tour Eiffel. Ils se mettent aussi en chien de fusil. Mais quiconque oserait les comparer à des bassets, celui-là se rendrait coupable d’une comparaison bien incomplète.

Les hiboux des forêts voisines leur disputent de chaudes parties de cartes qui se prolongent jusqu’au petit matin.

Dans les conflits du vent, le sortilège s’organise.

 

Ronald Després, Paysages en contrebande… à la frontière du songe, Choix de poèmes (1956-1972), Moncton, Éditions d’Acadie, 1974, p. 114s.

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