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Le docteur Ernest Choquette célèbre le crépuscule, la venue de la nuit

Beau texte depuis Saint-Hilaire, en Montérégie.

Huit heures.

Huit heures, c’est-à-dire à l’instant calme du retour des champs dans l’ombre légère qui émousse les objets, transforme tous les bruits lointains et leur donne des accents d’une tendresse particulière.

Au milieu de cet alanguissement mourant du soir, une voix arrivait je ne sais d’où : d’un coteau de ma montagne, des rives du Richelieu, de quelque tonnelle reposante, de quelque barque bercée au loin ; c’était impossible à préciser.

Une voix seule… seule, sans nul accompagnement, sans nulle musique jumelle pour en modifier le timbre puissant, chantait majestueusement :

« Je crois en ta bonté »…

Ils devaient l’entendre, les pauvres paysans jusqu’à Belœil, jusque de St-Charles, cette voix mâle qui, glissant sur les eaux conductrices, proclamait en leur nom la grandeur et la bonté de la Nature-Nourrice universelle.

Le tonnerre pouvait gronder, rugir, allonger ses éclairs fulgurants au-dessus des plaines ; la pluie, la grêle, les nuages noirs pleins de bourrasques mauvaises, pouvaient s’abattre en tempête et venir arracher dans leur racine les avoines, les blés, tous les grains dorés, cette voix sonore proclamait dans le crépuscule son imperturbable confiance au Créateur :

Je crois en ta grandeur ;

Je crois en ta bonté

Du haut de leurs chariots gonflés des fenaisons nouvelles, dans leur lent retour des champs tranquilles aux logis, les paysans écoutaient pieusement cet hymne de foi profonde, cet hymne suave et majestueux qui descendait ils ne savaient d’où, mais qui les avait tout de suite remués et vers lequel ils s’étaient empressés de tendre dans l’ombre leurs oreilles ravies.

Car tout s’était tu dans la campagne, autour.

Plus de cris de commandements aux chevaux fatigués, plus de fracas de faucheuses, plus de bourdonnements d’abeilles, plus de bruissements d’épis murs sous les brises, rien que le murmure universel de la nature qui s’endormait doucement doucement avec la lente tombée de la nuit pendant que la voix reprenait de nouveau comme pour une solennelle prière de repos :

 « Je crois en ta grandeur »

 Une prière…… peut-être, oui ; en effet, une prière ; un véritable appel de muezzin reproduit en écho dans mon pays de Saint-Hilaire pour nous convier à rendre hommage au créateur.

 Dr Choquette

 

Le Canada (Montréal), 13 juillet 1904.

Un commentaire Publier un commentaire
  1. Hélène Gonthier #

    « Une voix sans nulle musique jumelle pour en modifier le timbre puissant,
    chantait majestueusement… »

    « …rien que le murmure universel de la nature qui s’endormait doucement doucement avec la lente tombée de la nuit… »

    « L’instant calme du retour des champs dans l’ombre légère qui émousse les objets… »

    Comment ne pas vibrer devant semblable poésie?

    Agréable journée et merci pour ce partage!

    16 juillet 2017

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