La vie d’homme des champs
Voici un texte dithyrambique sur la vie de l’ouvrier des champs. À la fin du 19e siècle, devant l’urbanisation galopante, on perçoit une résistance, l’espoir d’un mouvement contraire. Aussi à l’occasion, chantera-t-on la vie des champs, et même la vie en plein bois. Cent ans plus tard, ces textes étonnent, mais c’est dans ce contexte qu’il faut les comprendre.
L’ouvrier des champs grandit où il est né. Les sentiments et les habitudes de famille, de voisinage, de parenté, de pays, lui forment une atmosphère d’affections innées, cruelles à rompre, lentes à réformer.
Il n’est pas contraint de se séquestrer de la nature physique, ce milieu nécessaire à l’homme pour que l’homme soit sain et complet.
Il a le ciel sur la tête, le sol sous ses pieds, le soleil devant les yeux, l’air dans la poitrine, l’horizon vaste et libre devant ses regards, le spectacle perpétuellement nouveau du firmament, de la terre, du jour, de la nuit, des saisons, qui entretiennent sans paroles, mais sans lassitude, les sens, le cœur, l’esprit de l’homme de la campagne.
Ses travaux sont rudes, mais ils sont variés, ils comportent mille applications diverses de la pensée, mille attitudes différentes du corps, mille emplois des heures et des bras; ce sont là autant de travaux qui, en diversifiant le travail de l’ouvrier de la campagne, le lui fait aimer, et changent la peine en intérêt et souvent en attachement passionné à l’œuvre.
Presque tous ses travaux s’accomplissent en plein air et en plein jour, santé et gaîté : l’homme n’y est point machine, il y est l’homme; il y place son émulation, son orgueil, son adresse, sa force, son habileté; il y est actif et assidu; mais il n’y est pas esclave.
Il se sent libre et il se déplace à son gré dans le vaste atelier rural ouvert à ses pas. Il y devient robuste, il y reste sain; sans cesse aux prises avec les forces de la nature, il y exerce les siennes; il a la fierté et le courage de sa liberté; il est propre à tout.
Quand il a grandi dans cette discipline des travaux champêtres, il est aussi propre à défendre son pays qu’à le fertiliser. Une empreinte de santé, de vigueur, de franchise, de liberté et de fierté modeste civilise ses traits. Il regarde en face, il marche droit, il parle haut, il respire à pleine poitrine; il ne craint et n’envie personne.
Placez à côté l’un de l’autre un habitant des villes et un habitant des campagnes du même âge, et comparez l’homme à l’homme.
Source : La Gazette de Joliette, 11 avril 1895.
Ci-haut, il s’agit bien sûr de L’Angélus, une huile sur toile de Jean-François Millet créée durant la seconde moitié des années 1850. Elle apparaît sur la page Wikipédia consacrée à ce tableau, propriété du Musée d’Orsay, à Paris.
Que de fois j’ai lu de semblables textes dans de vieux recueils de mes parents ! Chanter la gloire de la terre et de celui qui la cultive… en autant qu’il ne soit pas trop instruit, écoute bien son curé et ne pose pas trop de questions… Non, on n’ajoutait pas cela. Mais c’était sous-entendu. Disons nous aujourd’hui.
C’est bien vrai, chère Esther, qu’il existait toute une variété de ces textes. Et on ne dit guère de mots sur cette vie qui était, et est toujours, pour le moins très prenante. J’ai vu un ami partir de la ville au mitan de la vie, s’acheter une terre et un troupeau. Un jour, il m’est revenu si vieilli que j’ai eu peine un moment à le reconnaître. Toute la «dureté» de cette vie était inscrite dans son corps. Mais il était toujours fort heureux de ce choix. Il fallait et il faut être fait fort.
» Mais il était toujours fort heureux de ce choix. » Voilà la phrase clé…(sourire)
Je n’ai pas de troupeau, qu’un très grand potager(1000m²) mais je sais qu’on ne peut s’éloigner pendant de longs mois, si ce n’est quelques jours… Travailler la terre nous attache à elle, mais combien elle nous le rend !
Assurément.