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Pour une nouvelle histoire de Québec (2/3)

Je vous disais hier avoir ouvert, samedi dernier, le 13, le premier salon des 13 sociétés d’histoire de Québec avec une conférence sur la question «Où s’en va l’histoire ?» Voici la suite du texte de mon aide-mémoire pour cette conférence. Des propositions pour un nouvelle histoire.

 

 

Pourquoi pas aussi une histoire de nos peurs ?
Les Ursulines qui font venir de France 12 grands chiens en 1660 et les placent à chacune des portes de leur monastère pour se protéger contre les Iroquois qui se livrent à des incursions dans la région de Québec.
Le tremblement de terre de 1663, le plus puissant de la période historique, et ses secousses qui vont durer neuf mois. Nous priions.
La perspective d’être anéantis en 1711 par la flotte de Walker qui s’en vient sur le Saint-Laurent; ce que nous avons prié alors !
Nous avons eu peur aussi. L’occasion de parler de nos peurs.

Notre histoire avec les animaux. Depuis le début.
Depuis nos Indiens qui venaient passer le printemps et l’été à Place-Royale, 500 ans avant Jésus-Christ, et se nourrissaient de bêtes.
Animaux domestiques et sauvages.
Animaux de ferme. Le cheval.
Les oiseaux. Les oiseaux des battures. James MacPherson LeMoine et ses grandes volières, prenant note du comportement de ses oiseaux.
Beaucoup les oiseaux.
J’ai de nombreux vendeurs de canaris habitant les quartiers populaires et s’annonçant en 1900, signe qu’un oiseau plaît dans la maison.
Puis le chat, le chien.
Les poissons.
Ça n’a pas de fin.

Pour les friands de généalogie, nos lignées maternelles, «Nos mères». Celles qui font que nous avons un profil génétique absolument unique, en partage seulement avec nos frères et sœurs immédiats. Moi-même, j’ai 13 mères depuis 400 ans et 13 autres noms de famille que celui que je porte.

Ces morceaux de culture qui nous fabriquent, car nous sommes divers.
Indiens, Français, Acadiens, Anglais, Écossais, Irlandais, Chinois, et enfants de tous nos Asiatiques des années 1970 et 1980, Africains, Latinos. Et puis nos petites Chinoises, si belles, qu’on allait chercher récemment. Nous sommes des courtepointes à deux pattes, des courtepointes ambulantes.

Les apparitions de l’enfant dans notre histoire. On n’aperçoit l’enfant pour l’instant que simplement par touches, pas davantage. Vendant des rameaux à la porte des églises, le dimanche des rameaux. Offrant sur les marchés publics des chardonnerets jaunes attrapés avec des trébuchets. Les apparitions de l’enfant qui font « pop » ça et là, pas davantage parce que nous ne les connaissons pas encore sur la longue durée. Tout est à faire.

L’adolescence. Ce fut quoi être adolescent ici ? D’ailleurs, ce statut existait-il vraiment ? Et à partir de quand ?

L’entraide chez-nous de tant de manières, le partage des enfants, par exemple, quand survient le drame dans une famille. Nos façons de nous y prendre au fil des siècles pour essayer de tordre le cou à la misère.

La vie dans la marge.
Esther Brandeau, 1738-1739 à Québec. La prostitution; le Brass Castle, par exemple, aussi appelé le Coin flambant en haut de la côte de la Négresse, rue Lavigueur. Les gais. Les catholiques non orthodoxes. Les Canadiens-français protestants. Les amateurs de combats de coqs. Les mariages mal assortis et le moyen de dissuasion : le charivari.
Qu’était-ce que vivre dans la marge à Québec ?

Le très vaste de champ de l’histoire de la santé, chez-nous, ici, dans la région. À décomposer en parties.
La disparition de la mortalité infantile grâce à nos mères et nos grand-mères. Ce qui fait que si nous étions en 1900 ici, ce matin, nous ne serions que le tiers d’entre nous. La salle serait bien vide.

La nuit dans notre histoire, ou bien l’histoire de la nuit dans la région de Québec.
C’est dans la nuit du 2 au 3 septembre 1711 que les vaisseaux de Walker se brisent sur les rochers de l’île aux œufs, en aval de Québec.
Dans la nuit du 30 décembre 1775, en pleine tempête de neige, les Américains Montgomery et Arnold, qui assiégeaient Québec avec leurs troupes depuis deux semaines, attaquent la ville sans succès.
En 1796, les commerçants et les propriétaires mettent sur pied une patrouille de nuit pour contrer l’augmentation du nombre de vols et d’incendies criminels à Québec.
En 1802, pour faire cesser les crimes, la nuit, on oblige les cabaretiers à maintenir une lampe allumée à la porte de leur établissement.
L’histoire de la nuit est à faire.

Les multiples perceptions des saisons ici au fil des siècles. Les éléments : le vent, la pluie, la neige, la canicule. Et les ponts de glace tout autour, tant souhaités à chaque hiver.

A-t-on une cuisine qui nous est propre ?
L’anthropologue Ban Seng Hoe écrit en 1986 un article : « Chinese community  and cultural traditions in Quebec city ». Il nous parle d’un mets unique et typique des Chinois de Québec : les « Québec Fried Noodles », inventées par Wah Fatt durant la dépression.  Faute de riz, Fatt utilisa le macaroni comme substitut. Il fait cuire la macaroni, le passe à l’eau froide, puis le fait frire avec de l’oignon, du céleri, des champignons, du poivre vert, des fèves germées, de l’ail, de la sauce soya, du sel, du sucre et du glutamate de sodium.
A-t-on une cuisine qui nous est propre ?

Une histoire de la beauté à Québec est-elle possible ?

 

Demain : suite et fin. Que fait-on ?

5 commentaires Publier un commentaire
  1. Luc Gauvreau #

    Cher monsieur Provencher,

    Vos suggestions et vos pistes pour des nouvelles histoires du Québec sont magnifiques et stimulantes. Votre histoire de la nuit aurait plu beaucoup à Jacques Ferron, Pour lui, un des grands changements dans l’histoire de l’humanité fut l’agrandissement du jour au détriment de la nuit. Où est la nuit maintenant? Il faut aller si loin pour la « voir » comme elle devait être vue et vécue par nos ancêtres.

    J’ai pensé à une histoire qui mêleraient vos histoires de la nuit, de nos peurs et même celle de notre cuisine: une histoire du feu, de celui qui détruit, réchauffe, brûle, cuit, soigne et réconforte. Du feu qui a parfois servi à conquérir, à combattre, à punir. Du feu bon à martyriser, aussi. Combien de malheurs aussi a-t-il engendrés? Combien de gens lui doivent la vie? Combien d’autres lui doivent la mort? Dans les villages, dans les cinémas, les maisons, partout le feu a laissé de la tristesse. Mais il y a aussi feu de la Saint-Jean, des processions (le Sacré-Coeur devait bien être éclairé d’une petite flamme?!). Il y a le feu des lampions de la piété allumés parfois pour obtenir une faveur ou la réalisation d’un voeu. Celui des chaudières des locomotives, des presses à vapeur, des briquets, des cigarettes et du pétun. D’ailleurs, les Amérindiens doivent bien avoir appris aux Européens l’usage du feu dans le Nouveau-Monde: comment l’utiliser et le maîtriser pour ne pas qu’il ravage tout? Comment allumer un bon feu durant les jours pluvieux de novembre en pleine expédition?

    Une histoire du feu, c’est aussi l’histoire des cheminées, des four à bois, des poêles en fonte… Celle du gaz naturel, de l’huile à chauffage, des feux de forêts, combattus ou allumés.

    Le feu, c’est des milliers d’incendies: des milliers de rues et de maisons détruites, mais aussi des habitations et des quartiers qu’on reconstruit d’une façon plus moderne au milieu de bâtiments plus anciens. Combien de traces de feu à retrouver pour expliquer et comprendre le « décousu » d’une trame urbaine?
    Il y a tant d’histoire à faire!

    17 octobre 2012
  2. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, cher Monsieur Gauvreau. Pourquoi ne vous lancez-vous pas ? Voilà toute votre table des matières. C’est une merveille, je trouve, de pouvoir rentrer ainsi, de travers, dans les faits du passé, pour les mettre en liens, leur faisant dire alors des choses auxquelles nous n’avions même pas pensé, éclairer la vie, notre vie, sous un jour nouveau.

    17 octobre 2012
  3. Bellaca #

    Monsieur Gauvreau,
    Votre commentaire est très pertinent et très juste pour faire suite aux propos de Monsieur Provencher. Votre crayon me semble bien aiguisé et vos mots bien déliés, alors allez-y! Go! Nous sommes tout ouïe et tout oreilles pour la suite.

    18 octobre 2012

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