Salut, cher Gérald Godin, simplement comme ça, par un beau jour d’été
On ne t’oublie pas, diable !
Dans les livres de mon ami Gérald (1938-1994), j’ai des dédicaces telles que je ne pourrais m’en défaire. Peut-être simplement les donner à mes enfants. J’aime les bouquinistes, mais je serais triste de savoir que les mots qu’il m’adressait ont été largués, errent. D’ailleurs, pourquoi m’en défaire ? J’y reviens souvent.
Il y avait une grande simplicité dans cet homme et une immense authenticité. Un fol appétit de vivre aussi, toujours coloré par l’humour. Il est parti à 55 ans d’un cancer du cerveau.
Déjà, il savait l’existence de ce crabe lorsqu’il publie en 1988 Poèmes de route. Extrait.
Leurs mots
les paquets de poussière
en dessous du lit
ils appellent ça
des minous
le lainage
qu’on porte en hiver
autour du cou
ils appellent ça
un nuage
s’agripper aux voitures
qui les traînent
sur la glace bleue des rues
ils appellent ça
du taxi-bottine
les billets verts
qu’on leur donne en guise de salaire
ils appellent ça
des douleurs
quand l’outarde
roule hors de son nid
ses œufs qui sont sans vie
ils appellent ça
le frette
un vrai repas
vite avalé au comptoir
le jour de chèque
ils appellent ça
une bean saignante
une minoune de quatre pieds pour des gars de six pieds
qui se couchent en rêvant
sur des bandages de huit jours
ils appellent ça l’amour
une vie dure à prendre
qui n’en finira jamais
ils appellent ça
un calvaire
qu’il fasse beau
qu’il fasse laitte
qu’il fasse chaud
qu’il fasse frette
les videurs de lacs par tous les temps
ils appellent ça des viandus
un char malade
qu’un maudit menteur
t’as vendu pas cher en te faisant un cadeau
ils appellent ça une minoune
une minoune finie
le char qui t’a trahi
dernier repas du calcium des routes
ils appellent ça un cancer.
Gérald Godin, Poèmes de route, Montréal, Éditions de l’Hexagone, 1988.
De mon ami Gérald, voici aussi son adresse à Clodomir.