Les vents de la Gaspésie
On trouve deux régions en Gaspésie, celle du nord et celle du sud. Comment donc se démêler dans les vents qui soufflent sur la péninsule ? Jean-Charles Langelier a la réponse.
La région du nord, exposée aux vents plus ou moins froids du septentrion ainsi qu’au voisinage des eaux refroidies par le courant du Labrador et des glaces qui entrent dans la partie nord-est du golfe par le détroit de Belle-Île, est un peu plus froide que celle du sud.
Cela n’empêche pas qu’elle jouit d’une température aussi chaude que celle des parties les plus peuplées de l’Écosse et assez élevée pour faire mûrir toutes les céréales, et principalement le blé qui vient en abondance et de première qualité dans toute la région qui avoisine la rive sud du golfe Saint-Laurent.
Le climat de la région du sud-est est un peu plus chaud et, pour ce qui regarde les opérations agricoles, bien supérieur à celui de la Grande Bretagne et de l’Irlande. […] Protégée d’un côté par les monts Notre-Dame et Shickshock contre les vents du nord, exposée de l’autre aux brises chaudes du sud, qui lui apportent une partie de l’air chaud du gulf-stream, recevant presque perpendiculairement les rayons ardents du soleil du midi, cette région du sud jouit d’un climat des mieux équilibrés et des plus avantageux, comme des plus agréables. […]
Sur les bords de la baie des Chaleurs, le vent du nord-est, si cru, si humide et si désagréable dans la vallée du Saint-Laurent, ne se fait pas du tout sentir ; il est arrêté par les montagnes et complètement neutralisé par les courants d’air chaud venant du sud-ouest. […] Le vent du sud-est a plusieurs traits de ressemblance avec le sirocco de la Méditerranée, qui est aussi un sud-est ; comme lui, il est chaud, humide, léger et rapide. Lorsqu’il se montre en hiver, il produit souvent des dégels, surtout aux approches de l’équinoxe.
Le vent du sud direct, que l’on croirait plus chaud que le sud-est, est néanmoins plus tempéré. Pendant la saison où il se montre le plus fréquemment, on le regarde comme une brise agréable et presque rafraîchissante, à raison de la vapeur humide dont il absorbe l’eau.
Le vent du sud-ouest est plus fréquent durant l’été que pendant l’hiver. Ce n’est que vers le solstice d’été qu’il règne d’une manière plus constante que les autres vents. Il devient l’agent principal des orages qui surviennent dans les mois de juillet et d’août. Souvent la brise du sud, qui a coutume de s’élever vers dix ou onze heures, fait place au sud-ouest qui, dans l’après-midi, remplit le ciel de nuages orageux ; deux ou trois heures se passent en éclats du tonnerre et en éclairs, puis la crise se termine avant le coucher du soleil par des ondées tantôt plus, tantôt moins abondantes. […]
Le vent du nord-ouest est essentiellement froid, sec, élastique, impétueux, plus fréquent l’hiver que l’été. Il a beaucoup d’analogie avec le mistral provençal. Dans la baie des Chaleurs, comme dans les autres parties du littoral de l’Atlantique, parler du nord-ouest, c’est désigner un vent violent, froid, incommode, mais sain, élastique, ranimant les forces abattues. Seulement il a cela de perfide en hiver, que tandis qu’un ciel pur et un soleil éclatant réjouissent la vue et invitent à respirer l’air, si l’on sort des appartements, on est saisi d’une bise glaciale qui arrache les larmes. Moins rude en été, on le désire pour calmer la violence des chaleurs et il lui arrive assez souvent de se montrer après une pluie d’orage.
J. C. Langelier, Esquisse sur la Gaspésie, Lévis, Mercier & Cie, 1884, p. 56-58.
Contribution à une histoire des vents au Québec.
Un visiteur qui signe De Gatineau mais en séjour prolongé gaspésien m’écrit :
Y a-t-il des noms pour les vents gaspésiens ou québécois? Ailleurs dans le monde, les vents européens, africains ou asiatiques possédant des noms selon leur provenance, direction et force.
Si jamais les noms n’existaient pas, j’aimerais que l’on puisse les nommer et ainsi les apprivoiser, un peu.
Génial, je trouve. Il a bien raison. Je lui ai répondu :
Quelle bonne idée ! Nos noms sont tellement simples : nordet, suroit, nord-ouest, et très rarement sudet. Il y aurait matière en effet à une bonne démarche comme celle que vous évoquez. Quand je parle de nos vents sur ce site, c’est justement pour exciter quelqu’un qui aurait envie de prendre en main ce sujet et de le mener. Je trouve qu’il y aurait une histoire des vents québécois à écrire. Le bonheur qu’ils nous amènent, mais aussi les malheurs à l’occasion.
Exemple, ici, à Québec, ce soir, après la journée follement chaude que nous venons de connaître, le vent s’est levé calmement vers 18 heures, un vent sage mais frais, qui fait que nous allons très bien dormir.
Nous l’oublions, mais nos vents sont au cœur de nos vies. Nous bercent ou nous font craindre. Et ils ne sont jamais tant présents qu’en hiver. Les données météorologiques le disent.
Bonne idée que vous avez, bien bonne idée.
Bien belle soirée dans votre Gaspésie prolongée.
Et ce cher Monsieur de me répondre :
Cher Monsieur,
Quelle belle et bonne idée d’ajouter à votre blogue l’idée de nommer les vents québécois! Hier, le grand vent venant du large sur la plage de Haldemand près du Barachois de Douglastown était particulièrement imposant et persistant. Il doit bien y avoir un nom quelque part dans notre ADN linguistique pour le nommer.
L’idée de brasser un peu les cartes météorologiques avec les experts et étudiantes et étudiants semble une piste à explorer.
Je dors là-dessus le temps de terminer le projet de construction de la maison écologique, passive et évolutive de ma fille et de revenir en Outaouais d’ici fin octobre.
Bonne journée au bon vent.
Cheminons, cheminons dans l’appellation de nos vents d’ici !