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Que cache cette formule alambiquée ?

arc en ciel

Le Canada français, l’hebdomadaire de Saint-Jean-sur-Richelieu du 31 août 1893, écrit :

La température variable que nous avons eue depuis quelque temps semble vouloir continuer. La pluie et le soleil alternent par intervalles tellement rapprochés qu’il ne serait pas impossible de les voir bientôt s’entendre pour sévir simultanément. Ce sera alors le temps de plaindre la douce moitié du roi des enfers qui, à ce qu’on dit, ne s’amuse pas pendant ces phénomènes climatériques.

Que cache donc cette formule alambiquée à laquelle le journaliste n’a pas senti le besoin d’ajouter une explication ?

Il faut comprendre que le diable alors bat sa femme. La première édition, en 1694, du Dictionnaire de l’Académie françoise [sic] mentionne: «Quand il pleut et qu’il fait soleil en même temps, on dit que Le Diable bat sa femme».

Il faut conclure que des colons venus de France au 17e siècle, dont nous ignorons bien sûr l’identité, ont apporté avec eux cette expression en Amérique. En France, on a souvent rajouté «et marie sa fille». Au Québec, on a plutôt rallongé la phrase en disant «pour avoir des crêpes».

Chez moi, lorsqu’il pleuvait et faisait soleil en même temps, ma mère, originaire de Saint-Raymond de Portneuf, courait à l’arc-en-ciel et s’écriait : «Venez voir, les enfants, le diable bat sa femme pour avoir des crêpes». Et elle nous expliquait la formule. Ce faisant, ma mère l’a donc apportée à Trois-Rivières. Et je n’ai pas manqué de la transmettre à mes enfants.

Depuis un moment, je tente d’établir une carte des endroits où l’expression se disait, car elle est absolument inconnue dans plusieurs communautés. Informez-vous, vous en constaterez la rareté. Dans mes rencontres en bibliothèque ou autre salle paroissiale, beaucoup restent muets, intrigués.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, des linguistes de l’Université Laval, dont Gaston Dulong et Gaston Bergeron, ont mené une grande enquête sur «Le parler populaire du Québec et de ses régions voisines» (10 volumes, Éditeur officiel du Québec, 1980). Ils l’ont trouvée à Rigaud, Saint-Ours, Saint-Fidèle de Charlevoix, Saint-Fabien-sur-Mer et Rivière-au-Tonnerre. Des personnes m’ont dit qu’elle avait cours chez leurs parents à Boischatel, Saint-Bernard de Beauce et Saint-Antoine-de-Tilly. Et ici-bas : Hull, Grand’Mère et Saint-Lin, Montréal…

Si un de vos parents connaissait l’expression, vous seriez aimable de me signaler son lieu d’origine. Nawel, une amie, m’avait dit un jour qu’à Alger, sa grand-mère répétait qu’il s’agissait des «noces de Renard».

Certains font remonter cette formule à Plutarque (circa 46 – circa 125), un contemporain de Jésus Christ qui fait écho à une tradition mythologique, une légende où Jupiter, le dieu du feu, se bat avec Junon, la déesse de l’eau.

Ci-haut, on voit le diable, au-dessus du fleuve Saint-Laurent, entre Québec et Lévis, battre sa femme pour avoir des crêpes.

57 commentaires Publier un commentaire
  1. France Maice #

    Je suis heureuse d’apprendre que l’expression vous est connue. Ma mère l’employait aussi. Elle était native de Hull (Gatineau), née en 1913.
    Son ancêtre venait de Paris (Léger dit Parisien).

    France Maice
    Ormstown, Qc

    4 juin 2017
  2. Jean Provencher #

    Merci beaucoup ! Je n’avais aucune mention du littoral de l’Outaouais.

    4 juin 2017
  3. Yvan-M. Roy #

    Bonjour,

    De source maternelle, le diable et les crêpes, entendu depuis ma tendre enfance, années 50.
    Grand-mère de Québec, grand-père de St-Lin.

    Yvan-M. Roy

    24 juin 2017
  4. Jean Provencher #

    Merveilleux ! Merci beaucoup ! Sans blague, il y a plein de gens au Québec à qui ça ne dit rien. Merci, merci. Je note, vous pouvez être certain.

    Un jour, je travaillais avec Michel Lamarche à l’émission du samedi avant-midi à la radio de Radio-Canada à Québec. À l’occasion d’un micro-trottoir, on demandait aux passants la signification de cette formule. Et une belle pitchounette de 8 ans, je dirais, nous répond suavement : « Bien, c’est parce qu’il aime les crêpes ! »

    Pour un instant, elle semblait même se demander pourquoi on s’en faisait tant avec une question aussi simple ! Adorable, cette enfant.

    24 juin 2017
  5. R. Tanguay #

    Mon oncle, natif de Montréal, disait cette expression quand le soleil et la pluie se côtoyaient. Cet oncle était né en 1912… je l’ai retenue et la dis moi aussi.

    12 juillet 2017
  6. Jean Provencher #

    Merci beaucoup beaucoup !

    13 juillet 2017
  7. Karina #

    Pareil ici, à Québec. Ma vieille mère adoptive née en 1915, originaire de Val-Bélair à Québec, utilisait cette expression.

    26 août 2017
  8. Jean Provencher #

    Ô merci beaucoup, chère Karina ! Lentement, le tableau se construit. Val-Bélair maintenant !

    26 août 2017
  9. R. Dallaire #

    J’ai utilisé cette expression il y a quelque jours devant mes beaux-parents lorsqu’il faisait soleil et pluie. Personne ne la connaissait. Cette expression me vient de ma grand-mère. Je l’ai apprise fin 1950 debut 1960. Mes grand-parent étaient originaires de l’Ile-aux-Coudres. Ils ont demeurés à Port-Alfred (maintenant Ville la Baie). Je demeure au Saguenay

    31 mai 2020
  10. Jean Provencher #

    Merci infiniment, cher Monsieur Dallaire. Originaires de l’Île-aux-Coudres, je comprends qu’ils ont apporté la formule au Saguenay. Et vous possédez maintenant vous-même cette formule colorée qui serait extrêmement ancienne. Le bonheur. Merci beaucoup beaucoup !

    31 mai 2020
  11. Marlen Bėgin #

    Ma mère née en 1932 en Abitibi nous disait toujours quand il faisait soleil et pleuvait en même temps: « C’est le diable qui bat sa femme pour avoir des crêpes ». Ses parents étaient originaires de Grand-Mère.

    29 juillet 2020
  12. Jean Provencher #

    Merci infiniment, chère Madame Bégin. Avec ces deux mentions, vous enrichissez la géographie de cette expression au Québec.

    29 juillet 2020
  13. Mes parents nés vers 1915 utilisaient cette expression qui me faisait bien rire. Ma mère de Québec, mon père de Loretteville. Serait -elle acceptée aujourd, en ces temps de rectitude politique ?

    Louise

    30 juillet 2020
  14. Jean Provencher #

    Ô merci, chère Louise !
    Bonne question, en effet ! Aujourd’hui, vous ouvrez la bouche et vous risquez la réprimande (quand ce n’est pas autre chose). Vivre par les temps qui courent est assez incroyable !

    30 juillet 2020
  15. Ma grand-mère née à Chicoutimi-Nord en 1890 disait cette phrase quand il pleuvait
    et faisait soleil en même temps.

    11 août 2020
  16. Jean Provencher #

    Merci infiniment. Vous contribuez à enrichir la carte géographique de cette expression au Québec.

    En passant. Encore cette semaine, au-dessus de Lévis, il y avait un magnifique arc-en-ciel, devenu double à un moment donné. Le diable battait vraiment sa femme pour des crêpes. À Québec, dans la quartier Saint-Pascal, rue de la Trinité, les citoyens pouvaient bien voir ce phénomène au-dessus du Domaine de Maizerets.

    À ce sujet, il faut être aux aguets, car les arcs-en-ciel ne sont vraiment pas fréquents.

    11 août 2020
  17. Brigitte Ledermann #

    Ma mère disait ça ! Elle était originaire de Montréal et sa mère venait de La Malbaie. J’ai moi même grandi à Gatineau et je répète cette expression à qui veut l’entendre chaque fois qu’il pleut et fait soleil en même temps !

    11 août 2020
  18. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, chère Madame Ledermann ! Votre collaboration ajoute à la carte géographique québécoise de cette expression. Et bravo de continuer à propager cette expression bien ancienne. C’est un véritable patrimoine, vous savez !

    11 août 2020
  19. Louise Bourget #

    Je viens de Quebec et on disait ça chez nous. Quartier St -Sauveur. Basse ville

    29 septembre 2020
  20. Jean Provencher #

    Merci infiniment, chère Louise, de nous le signaler. Le tableau commence à se remplir de mentions. L’histoire de notre langue est captivante, je trouve.

    29 septembre 2020
  21. Carbonnelle #

    Ma grand-mère avait aussi l’habitude de chanter quand il faisait soleil et pluie en même temps: « il pleut il fait soleil le diable bat sa femme, à grands coups de bâtons ! vive Napoléon! » Elle est en 1904 à Toulouse , elle était originaire de Bordeaux et de Toulouse par ses parents…elle a habité Montréal un an en 1942… Peut-être qu’elle a rapporté cette expression de là-bas.

    6 décembre 2020
  22. Jean Provencher #

    Ô Carbonelle, merci infiniment de ce témoignage ! Il nourrit notre propos à toutes et à tous.

    6 décembre 2020
  23. Philippe #

    Je vous souhaite un bonjour de France. Je ne sais pas si cela peut vous aider, mais je connais également l’expression qui me vient de ma grand-mère. Lorsqu’il y avait à la fois de la pluie et du soleil, ma grand-mère récitée sous la forme d’une petite chanson : Il pleut, il pleut, il fait soleil le diable bat sa femme… à grand coup de bâton c’est un po-li-sson.

    Je ne connais en revanche pas du tout l’origine de l’expression. Mes grands-parents ont vécu dans le département du Tarn (81) en France.

    7 décembre 2020
  24. Jean Provencher #

    Merci infiniment, cher monsieur Philippe. Votre propos nous enrichit ! Cette histoire est véritablement un patrimoine qui nous est commun. Ça réjouit beaucoup.

    Et merci de votre bonjour de France, ça fait bien plaisir.

    7 décembre 2020
  25. Serge de Merlis #

    Bonjour, je tiens cette expression de ma mère qui était originaire de Neuville. Mon épouse qui est originaire de Shawinigan ne l’avait jamais entendue.

    26 décembre 2020
  26. Jean Provencher #

    Ô ! Merci beaucoup ! Une autre formidable mention !
    Joyeuses Fêtes à vous !

    26 décembre 2020
  27. Nicole #

    Bonjour , née en 1938 à Amos en Abitibi-Témiscamingue ma mère m’a toujours dit cette expression lorsqu’il y avait pluie et soleil en même temps. Elle disait que c’était sa mère qui lui avait apprise cette expression. Mais j’avoue que peu de gens l’utilise ou la connaisse ici en Abitibi. Ma grand-mère naquit à Montréal.

    6 février 2021
  28. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, chère Nicole. Votre mention ajoute au tableau !

    6 février 2021
  29. Stéphane Charitos #

    Ma mère, née dans l’Hérault en 1931, chante encore souvent une chanson qu’elle tient de ses grands-parents: il pleut, il fait soleil, le diable bat sa femme / à grands coups de bâton, le diable est un fripon.

    Je l’ai souvent entendue chanter dans mon enfance à Narbonne.

    6 avril 2021
  30. Jean Provencher #

    Ô merci beaucoup, monsieur Charitos. Je suis fort heureux que chez-vous, en France, cette chanson, cette interprétation soit encore sauvegardée après, quoi, quatre siècles. C’est réjouissant ! Vive la transmission au fil des siècles et vive la mémoire !

    6 avril 2021
  31. Ce île Rousseau #

    Ma mère, originaire de Chicoutimi, utilisait cette expression que je reprends à chaque fois que la météo me le permet. Je suis de Val- d’Or, Abitibi

    9 mai 2021
  32. Jean Provencher #

    Ô ! Merci beaucoup.
    Et Val-d’Or, un beau pays !

    9 mai 2021
  33. STE-MARIE line #

    Ma grand-mère (Née 1903) habitait dans les haute Laurentides disait cela. Ma mère et moi le disons nous habitons Sept-Îles sur la cote nord. a chaque fois le monde ne comprenne pas le sens

    13 mai 2021
  34. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, Madame Line, de cette contribution !

    13 mai 2021
  35. Francis #

    Dans les années 50, je me rappelle avoir chanté cette chanson en rentrant de l’école avec mes camarades. J’avais 4 ans et j’habitais à la campagne dans la région de Toulouse (France)

    10 mars 2022
  36. Jean Provencher #

    Ô ! Merci beaucoup ! Je ne savais pas qu’il y avait même une chanson attachée à ce phénomène ! Bien oui, monsieur Charitos, plus haut, y va d’une chanson ! Je ne sais si, un jour, elle a traversé l’Atlantique.

    10 mars 2022
  37. Ma grand – mère maternelle venait de Marseille et a fait sa vie en Algérie et moi élevée par elle me chantait « il pleut et fait soleil , le diable et en colère , le diable bât sa femme , à grands coups de bâton , le diable est un cochon ! »j’ ai 78 ans , je n’ ai jamais oublié  » cette chanson  » !

    4 juin 2022
  38. Jean Provencher #

    Merci infiniment, chère Marie-France ! Voilà que cela se chantait sous cette forme à Marseille et en Algérie ! Au Québec, je ne sais pas encore s’il y avait une chanson attachée à ce dire. Merci beaucoup beaucoup.

    4 juin 2022
  39. Ma #

    Ma mère, née au Maroc en 1913 , d origine espagnole, nous avait aussi appris cette expression que nous disions à notre tour lorsque soleil et pluie se manifestaient en même temps

    23 juin 2022
  40. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, Ma. J’aime beaucoup. Le Maroc et l’Espagne.

    23 juin 2022
  41. ma mère née à St-Hyacinthe utilisait aussi cette expressions dans les mêmes circonstances

    29 juin 2022
  42. Jean Provencher #

    Merci infiniment, Monsieur Robert ! Nous voilà maintenant à Saint-Hyacinthe.

    29 juin 2022
  43. Marie-Hélène #

    Ma mère m’a appris cette expression il y a bien longtemps. Elle vient de Sainte-Catherine de la Jacques-Cartier. mais mes grand-parents étaient de St-Aubert, pas loin de St-Jean-Port-joli. Mais il n’y avait pas le bout sur les crêpes.

    Quand j’emploi cette expression dans la région de Gatineau ou j’habite maintenant, personne ne la connais. J’ai plusieurs amis Franco-Ontariens dans l’est de l’ontario et ils ne la connaissent pas non plus.

    Bonne journée!

    16 août 2022
  44. Jean Provencher #

    Merci infiniment de cette précision, chère Marie-Hélène.

    16 août 2022
  45. Cartier Pierre #

    Ma grand mère la disait souvent ! Elle était de Marseille née en 1901 et sa mère de Grenoble née en 1870.
    C’est une expression qui était très courante car je connais beaucoup de gens qui l’emploient même maintenant au 21 ème siècle en France!

    13 janvier 2023
  46. Jean Provencher #

    Merveilleux ! Merci beaucoup beaucoup !

    13 janvier 2023
  47. Louise Patoine #

    Ma mère, née à St-Malachie dans Bellechasse(autrefois Dorchestee) utilisait l’expression suivante que j’utilise encore : le diable court après sa femme pour avoir des crêpes .

    18 octobre 2023
  48. Jean Provencher #

    Merci beaucoup !!!! C’est tout à fait québécois !

    18 octobre 2023
  49. Rigal #

    Ma tante, originaire de la lozère chantait ça dans les années 1930-40 .

    9 novembre 2023
  50. Jean Provencher #

    Merci beaucoup !

    9 novembre 2023
  51. DEMAI #

    Bonjour,
    Je suis agréablement surpris d’apprendre que cette expression existait au Québec.
    Ma mère née en 1932 à Toulouse, ville qu’elle n’a jamais quitté, disait en chantonnant: il pleut, il fait soleil, le diable bat sa femme à grands coups de bâtons, vive Napoléon.
    Peut-être répétait-elle ce que disait sa grand mère qui avait connu le second empire.

    2 août 2024
  52. Jean Provencher #

    Merci, merci, merci.

    2 août 2024
  53. létourneau mariette #

    maman venait deGrande-Vallée en Gaspésie ,mon père de Mont-Louis également de Gaspésie.maman nous disait ca quand il pleuvait en même temps qu’il faisait soleil.

    22 août 2024
  54. letourneau mariette #

    c’est le diable qui bat sa femme pour avoir des crèpes

    22 août 2024
  55. Jean Provencher #

    C’est tout à fait ce que notre mère nous disait !
    Merci beaucoup, Madame Létourneau, de nous avoir mentionné les lieux locaux où on utilisait cette déclaration.

    22 août 2024
  56. Yolaine Savard #

    Bonjour, M. Provencher,

    Quand il pleuvait, ma mère nous disait la mème expression par rapport au diable qui bat sa femme pour avoir des crêpes. Nous demeurions à Alma au Lac St-Jean. Le nom de famille de ma mère est Coudé et ses origines sont françaises.

    Yolaine Savard

    8 octobre 2024
  57. Jean Provencher #

    Merci infiniment de votre mention, chère Yolaine. Nous ici, au Québec, nous avons vraiment rajouté : « pour avoir des crêpes ». Ce sapré diable aimait les crêpes manifestement.

    8 octobre 2024

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