Coucher de soleil à Sainte-Agathe-des-Monts
Une lectrice de La Patrie est fort heureuse. Elle revient chez elle, après avoir été témoin d’un coucher de soleil magnifique. Émue, elle décide de coucher son lyrisme sur papier et de le faire parvenir au journal. Le quotidien montréalais publie son texte le 18 avril 1908.
Il était cinq heures passées, je sortais de l’église après une courte visite du Divin Roi. Je descendais la rue principale de notre village, marchant tout droit vers le soleil couchant… Qu’il était beau ce soir-là, s’abaissant derrière une montagne des Laurentides, là-bas de l’autre côté du joli lac des Sables.
Ma vue, magnétisée par les rayons pâlissants qui semblaient en s’éteignant emporter mon âme avec eux dans les nuages, se fixait d’abord sur le soleil qui ne paraissait plus qu’à demi… Après sa complète disparition, elle erra dans le coin du firmament enflammé par les dernières étincelles solaires, puis… sur le rouge sans feu… sur les nuées d’un rose merveilleux… sur les autres d’un gris mystérieux… se perdant dans le ciel d’un bleu céleste.
Je m’arrêtai bientôt pour mieux regarder se succéder et pâlir les teintes inimitables que le soleil donnait à l’immensité, faisant refléter sur la glace du lac, sur la neige accrochée aux branches des arbres comme des garnitures de perles fines, à cette heure transparente d’un rose unique.
Tout autour à l’horizon, les Laurentides, se découpant irrégulièrement sur la belle route, se paraient aussi des tons les plus riches.
Peu à peu, plus de rouge… plus de rose… plus de gris… mais une longue raie jaune pâle tout le long des montagnes, du côté de l’ouest, avec un tout petit nuage gris sombre qui, comme moi, s’était arrêté en chemin… cependant il se dissipa vite pour laisser le firmament tapissé du plus bel azur.
Alors, ressemblant à quelqu’un qui s’éveille après un moment de songe, je regardai par toute la nature et mes regards s’arrêtèrent sur une tache blanche qui faisait la lumière sur le plafond de la création.
Elle n’était pas ronde… d’une pâleur à faire douter de sa puissance lumineuse… puis je la vis jaunir sensiblement, prendre des teintes de lumière, devenir plus distincte à mesure que le crépuscule tombait.
Sur la terre, rien ne s’était assombri; mais tout avait changé d’aspect, de couleur. De ce brillant donné par le roi des astres, tout était devenu illuminé d’une manière étrange par le soleil couchant et l’apparition de la lune…
La lumière lunaire avait fini par éclairer si étrangement le paysage, donnant aux arbres de si beaux ombrages… elle était charmeuse, si invitante à la rêverie cette demi lune, à l’heure du souper où le calme se fait dans le village; tout était si doux, si reposant, que j’éprouvai un véritable chagrin de quitter ses visions et ces rêves pendant lesquels je me sentais heureuse sans savoir pourquoi, où je pensais beaucoup en ne pensant à rien !…
Je ne pus retenir une larme en rentrant au foyer, mon cœur était trop plein…
RÊVEUSE
Sainte-Agathe-des-Monts,
Mars 1908.
Une des plus belles description de coucher de soleil que j’aie lue. Je l’imprime, et surtout je pars en quête d’un coucher de soleil printanier.
J’ai trouvé, chère Silvana, que ce texte, anonyme, perdu dans des pages et des pages de journaux d’autrefois, avait sa place. Chaque personne a sa manière de s’exprimer. Et ce texte méritait, je trouve, une petite poussée pour qu’il perdure. Pourquoi pas alors le retrouver sur la Toile plus de cent ans plus tard.
Si Vous trouvez un soleil digne d’être couché sur papier numérique, donnez-lui vie, prévenez-nous alors.
Dites, votre prénom me fait penser à cette belle chanson pleine de rythme de Silvana Mangano en 1951.
Et vous venez de mettre le doigt sur l’origine de mon nom!
En 1955, mon père, alors fraichement débarqué de son Italie natale, m’a prénommée ainsi en souvenir de cette actrice dont il me parlait souvent, et plus précisément d’une chanson en particulier que je n’ai jamais entendue…
Sans blague, j’ai bien pensé que cela venait de votre cher père, attaché à cette actrice italienne, qui a dit à votre mère : «Pourquoi ne l’appelons-nous pas Silvana ?» Cette chanson, en son temps, est arrivée jusqu’à Trois-Rivières, le long du Saint-Laurent, le pays d’où je viens. Et elle était, comme il est à la mode de le dire aujourd’hui, un véritable ver d’oreille. Une fois entendu, elle ne vous quittait plus, avec son petit rythme absolument accrocheur, et plein de santé.
C’est rigolo! La petite scène que vous imaginez est exactement celle que mes parents m’ont toujours racontée…
Vous n’auriez pas le titre par hasard te titre de cette chanson?
Voyez, chère Silvana, dans mon premier commentaire tout juste au-dessus, la phrase «cette belle chanson pleine de rythme» est illuminée en bleu pâle. Vous n’avez qu’à cliquer sur ces mots pour que votre machine s’y rende et Vous la donne.
MERCI! Figurez-vous qu’hier soir, n’y résistant plus, j’ai fait une recherche sur Google et j’ai rapidement trouvé cette chanson du film Anna. Ça a quelques chose de fascinant de découvrir 60 ans plus tard, que mes parents avaient cela entête en me prénommant…
Irrésistible en effet, puisque comme vous le soulignez, c’est moi qui l’ai maintenant en tête!
Décidément, quel richesse que votre blogue qui mène à tout: même à l’origine de notre nom; sans oublier de passer par les oiseaux, les ânes et les recettes de chou-fleur sauce hollandaise!!
Merci beaucoup, chère Silvana. Je suis content de savoir que je n’étais pas dans le champ au sujet de votre prénom.
Et c’est étonnant. Votre mot me ramène soudain au début des années 1970. J’ai alors rédigé un texte pour moi-même (dont j’avais oublié l’existence), une réflexion qui disait que je voulais écrire un livre «total», un livre qui réunirait tous mes intérêts. Mais je me suis vite buté au médium papier. Et j’étais bien loin de soupçonner que, 40 ans plus tard, en 2011, ce médium me serait donné, internet le permettrait, petite pierre après petite pierre.