Encore une histoire de revenant
Tenez-vous bien. Quel récit du grand Louis Fréchette dans La Tribune, l’hebdo de Saint-Hyacinthe, du 26 février 1892. Et prenez garde que les cheveux ne vous blanchissent ! Les miens le sont déjà.
Jamais je n’ai entendu parler si souvent de maisons hantées.
Maison hantée à Joliette.
Maison hantée à Chicago.
Maison hantée à Georgie.
Maison hantée à Paris.
Maison hantée à Berlin !
Et partout ces manifestations inexplicables ont le même caractère : des objets qui se meuvent d’eux-mêmes; des êtres invisibles qui se livrent à toutes sortes d’excentricités; des bruits, des gémissements dont on ne peut déterminer ni la source ni la cause.
Cela m’a donné l’idée de rapporter ici ce que m’a raconté autrefois le père d’un de mes confrères, un homme de profession et d’étude, à l’esprit très large et très éclairé, sur qui la crédulité populaire n’avait aucune prise, et dont la bonne foi était — vous pouvez m’en croire — au-dessus de tout soupçon. […] Je lui laisse la parole.
Je ne prétends pas, dit-il, qu’il faille croire à ceci ou à cela, ou qu’il n’y faille pas croire; je veux vous relater seulement ce que j’ai vu et entendu; vous en conclurez ce que vous voudrez. […]
C’était en 1822.
J’achevais mes études au collège de Nicolet, et j’étais en vacances dans le village de Gentilly, avec quelques-uns de mes confrères et deux ou trois étudiants en théologie, en congé auprès de leurs parents.
Nous fréquentions assidument le presbytère, où le bon vieux curé du temps, très sociable, grand ami de la jeunesse, nous recevait comme un père.
C’était un fier fumeur devant le Seigneur, et, pendant les beaux soirs d’été, nous nous réunissions sur sa véranda pour déguster un fameux tabac canadien que le bon vieillard cultivait lui-même avec une sollicitude de connaisseur et d’artiste. […]
Un soir — c’était vers la fin d’août, où les nuits commencent à fraîchir — au lieu de veiller à l’extérieur, nous avions passé la soirée à la chandelle, dans une assez vaste pièce où s’ouvrait la porte d’entrée, et qui servait d’ordinaire de bureau d’affaires, de fumoir ou de salle de causerie.
Coïncidence singulière, la conversation avait roulé sur les apparitions, les hallucinations, les revenants ou autres phénomènes de ce genre.
Onze heures approchaient, et le débat se précipitait un peu, lorsque M. le curé nous interrompit sur un ton quelque peu inquiet :
— Tiens, dit-il, on vient me chercher pour un malade.
En même temps, nous entendions le pas d’un cheval et le roulement d’une voiture qui suivait la courbe de l’allée conduisant à la porte du presbytère, et qui parut s’arrêter en face du perron.
Il faisait un beau clair de lune; quelqu’un se mit à la fenêtre.
— Tiens, dit-il, on ne voit rien.
— Ils auront passé tout droit.
— C’est drôle.
Et nous allions parler d’autres choses quand nous entendîmes distinctement des pas monter le perron, et quelqu’un frapper à la porte.
— Entrez ! fit l’un de nous.
Et la porte s’ouvrit.
Jusque-là rien d’absolument extraordinaire; mais jugez de notre stupéfaction à tous, lorsque la porte se ferma d’elle-même, comme après avoir laissé passer quelqu’un, et que, là, sous nos yeux, presque à portée de la main, nous entendîmes des pas et comme des frôlements de soutane se diriger vers l’escalier qui conduisait au premier, et dont chaque degré — sans que nous puissions rien apercevoir — craqua comme sous le poids d’une démarche lourde et fatiguée. […]
Nous avions écouté sans trop analyser ce qui se passait, ahuris et nous regardant les uns les autres, chacun se demandant s’il n’était pas le jouet d’un rêve. […] Et, à mesure que nous nous rendions compte de ce qui venait d’arriver, je voyais les autres blêmir et je me sentais blêmir moi aussi. […]
Le curé prit un chandelier, j’en pris un autre; et nous montâmes l’escalier.
Rien.
Nous ouvrîmes la chambre, où le mystérieux personnage avait paru s’enfermer.
Rien.
Absolument rien de dérangé; absolument rien d’insolite.
Nous redescendîmes bouleversés et parlant bas.
À ce moment, un bruit terrible éclata dans la chambre que nous venions de visiter, comme si un poids énorme fût tombé sur le plancher.
Le vieux curé reprit froidement sa chandelle, remonta l’escalier et entra de nouveau dans la chambre.
Il revint pâle comme spectre; et pendant que nous entendions des bruits de chaînes et des gémissements retentir dans la chambre qu’il venait de quitter :
— J’ai bien regardé partout, mes enfants, dit-il; je vous jure qu’il n’y a rien ! Prions le bon Dieu.
Et nous nous mîmes en prière.
À une heure du matin, le bruit cessa. […]
La seule chose que nous découvrîmes fut, en face du presbytère, les traces de la voiture mystérieuse, qui apparaissaient très distinctes et toutes fraîches, dans le sable soigneusement ratissé de la veille.
[Mais il ne fallait pas laisser le curé seul à son sort. Aussi s’entraida-t-on.]
Les hommes les plus sérieux et les moins superstitieux du village de Gentilly venaient tour à tour passer la nuit au presbytère et en sortaient, le matin, blancs comme des fantômes.
Le pauvre curé ne vivait plus.
Il se décida d’aller consulter les autorités du diocèse… Le soir de son retour, nous étions réunis comme les soirs précédents, attendant le moment des manifestations surnaturelles, qui ne manquaient jamais de se produire sur le coup de minuit.
Le curé était très pâle, et plus grave encore que d’habitude.
Quand le tintamarre recommença, il se leva, passa son surplis et son étole, et s’adressant à nous :
— Mes enfants, dit-il, vous allez vous agenouiller et prier; et quel que soit le bruit que vous entendiez, ne bougez pas, à moins que je ne vous appelle. Avec l’aide de Dieu, je remplirai mon devoir.
Et d’un pas ferme, sans arme et sans lumière […] le saint prêtre monta bravement l’escalier, et pénétra sans hésiter dans la chambre maudite.
Alors, de fut un vacarme horrible.
Des cris, des hurlements. Des fracas épouvantables.
On aurait dit qu’un tas de bêtes féroces s’entredévoraient, en même temps que tous les meubles de la chambre se seraient écrabouillés sur le plancher.
Je n’ai jamais rien entendu de pareil dans toute mon existence.
Nous étions à genoux, glacés, muets, les cheveux dressés de terreur.
M. le curé n’appelait pas. […]
Enfin le tapage infernal cessa tout à coup, et le brave abbé reparut, livide, tout en nage, les cheveux en désordre, et son surplis en lambeaux.
Il avait vieilli de dix ans.
— Mes enfants, dit-il, vous pouvez vous retirer; c’est fini; vous n’entendrez plus rien. Quand quelqu’un frappera à votre porte, le soir, ne dites jamais : Entrez ! mais Ouvrez ! Aurevoir; parlez de tout ceci le moins possible.
Après ce soir-là, le presbytère de Gentilly reprit son calme habituel.
Seulement, tous les premiers vendredis du mois, jusqu’à sa mort, le bon curé célébra une messe de requiem pour quelqu’un qu’il ne voulut jamais nommer.
Ça rappelle l’histoire du curé d’ars,toute qu’une histoire!
Vers la fin de 1823137, le curé d’Ars commence à entendre des bruits anormaux dans le presbytère. Pensant qu’il s’agit de voleurs, il demande à un jeune homme, André Verchère, de monter la garde une nuit. Vers une heure du matin, celui-ci, se trouvant dans la chambre mise à sa disposition, entend secouer avec violence la poignée et le loquet de la porte de la cour et donner comme des coups de massue sur cette même porte. Il regarde par la fenêtre mais ne voit personne à l’extérieur près de la porte. Puis le bruit continue dans une autre partie du presbytère et toute la maison tremble. Le curé d’Ars vient trouver Verchère dans sa chambre et lui demande « Avez-vous entendu du bruit ? » (La question est au passé, ce qui suggère que le bruit a cessé quand Verchère a le curé sous les yeux.) Verchère répond qu’il a entendu du bruit mais n’a rien vu à l’extérieur. Le curé d’Ars dit à Verchère de se recoucher et Verchère n’entendra plus rien de la nuit138. Le curé d’Ars lui demande de revenir le soir suivant, mais, trop effrayé, il refuse. Pendant trois semaines, d’autres hommes montent la garde. Le curé d’Ars dit toujours entendre les bruits anormaux, mais ceux qui lui tiennent compagnie n’entendent jamais rien139. Le curé d’Ars se persuade que les bruits sont d’origine satanique140. Jusqu’à la fin de sa vie141, il dira être tourmenté par le diable, qu’il surnomme « le grappin137 ».
L’abbé Raymond, sceptique en cela comme en beaucoup de choses, pensait que la plupart des diableries d’Ars étaient « des effets naturels d’un cerveau fatigué ». Il admettait cependant que certains faits produits au presbytère de Saint-Trivier ne pouvaient s’expliquer de cette façon142. Les faits de Saint-Trivier sont les suivants : pendant l’hiver 1826-1827, une mission est prêchée à Saint-Trivier-sur-Moignans et plusieurs prêtres, parmi lesquels le curé d’Ars, logent au presbytère ; une nuit, on entend un grand bruit et la cure tremble; on accourt à la chambre du curé d’Ars et on le trouve dans son lit, qui a été amené au milieu de la chambre; le curé d’Ars déclare que c’est le diable qui a déplacé le lit143.
Il arrivait même que les bruits diaboliques fussent entendus au presbytère en l’absence du curé d’Ars, si on en croit l’abbé Denis Chaland, qui, devenu adulte, raconte qu’avec d’autres enfants, chez qui la curiosité l’emportait sur la crainte, il alla souvent se mettre à l’écoute aux abords du presbytère à la nuit tombée et qu’il entendit une voix paraissant sortir de la cure qui criait « Vianney ! Vianney ! », ce qui se serait passé plus de vingt fois, aussi bien en l’absence qu’en la présence du curé. Mgr Fourrey fait cependant ce commentaire : « Évidemment, l’imagination des enfants pouvait aller bon train144. »
Le même Denis Chaland, contrairement aux autres témoins de ces sortes de faits, dit avoir perçu les phénomènes diaboliques alors même qu’il avait le curé d’Ars sous les yeux. En effet, lors d’une confession au cours de laquelle le curé d’Ars lui confirma qu’il avait la vocation religieuse, le diable fit trembler la pièce145.
On a vu que l’abbé Raymond considérait la plupart des phénomènes diaboliques qui tourmentaient le curé d’Ars comme les effets naturels d’un cerveau fatigué. Cette explication est rejetée par le Dr Saunier, qui fut le médecin du curé d’Ars, en raison du parfait équilibre psychologique du curé et de la sûreté de son jugement146. Toutefois, un autre médecin qui examina le curé d’Ars mentionne dans son ordonnance « les affections nerveuses auxquelles il est sujet147 ». De même, la châtelaine d’Ars, grande admiratrice du curé, parle de « cette fièvre qui l’agitait sur son pauvre grabat133 ».
Les assauts nocturnes que le curé d’Ars subissait de la part du diable lui permettaient de complaire à la curiosité de Catherine Lassagne, qui « aimait les nouveautés ». Il lui racontait par exemple que, la nuit, sa discipline s’était mise à marcher comme un serpent, ou encore que le diable avait essayé de le tuer et chantait dans la cheminée comme un rossignol. Catherine Lassagne notait fidèlement ces confidences148, mais Mgr Fourrey se demande si, quand le curé d’Ars faisait de tels récits, « l’accent plaisant du pasteur ne donnait pas à certaines de ses paroles une signification où l’humour avait sa place149 ».
Tiré de wikipédia.
Je ne connaissais pas cette histoire du curé d’Ars, cher monsieur Gaudreault.
Rappeler vous du curé rodin,des belles histoires des pays d’en haut que les gens du village surnommaient le curé d’ars!
Oups, je crois que j’avais arrêté alors de regarder Les Belles Histoires, parce que ce Rodin ne me dit rien de rien.
Le Curé Jean-Baptiste Marie Raudin était jouer par le comédien Julien Bessete.J’avais la mauvaise ortographe!
Pour être très franc, je n’ai jamais, mais jamais été très télé dans ma vie.
sa source est crédible bien sur mais il prend soin de ne pas la nommer…
ce louis fréchette me semble dès plus créatif et en avance de son temps avec ses faux reportages-réalité. je parie qu il s est bien amusé à berner (et divertir) ses nombreux lecteurs.
bien plus tard, un certain Orson Welles , perfectionnera le genre.
Vous avez raison. Et je crois qu’il faut se demander si Fréchette dit vrai lorsqu’il parle de sa source qui serait le père d’un confrère. Il peut aussi s’amuser à nous berner, je pense. Nous monter un beau grand bateau. Chose certaine dans ce type d’histoire, on présente à peu près toujours les revenants bruyants, à la manière décrite par Fréchette dans son second paragraphe.