La publicité, quelle gueuse !
Quand je vous dis que la publicité n’a pas d’âme. Qu’en 1900, elle est partout, et de toutes les façons. Qu’elle vendrait même sa propre mère. Qu’elle est prête à toutes les dérives !
Voyez celle-ci dans le quotidien La Patrie du vendredi 4 décembre 1891. On s’adresse aux enfants, par parents interposés bien sûr, sous le titre « Votre règne arrive ! » Bien loin sont les codes de déontologie, même pour les journaux.
Votre règne arrive, il est arrivé, chers enfants; après onze mois de travail, de sagesse et de commissions à vos bons parents, vous pouvez, dès maintenant, réclamer vos droits à la récompense; aussi, permettez à un de vos amis, un vieil ami, à cheveux blancs, hélas ! de vous raconter ce qui se passait dans son temps au beau mois de décembre, lorsqu’il mettait toutes les grandes bottes de son papa à toutes les cheminées de la maison dans cette bienheureuse nuit de Noël et qu’il se levait pour voir au matin ce que le bon Jésus avait pu déposer dedans ou encore lorsque le 1er janvier il venait embrasser ses parents.
Cela vous étonnera sans doute beaucoup d’apprendre qu’en cet heureux temps, il advenait que les cadeaux du bon Jésus et des bien aimés parents étaient toujours ceux rêvés.
Eh bien, mes amis, croyez-en l’expérience du vieux bonhomme à cheveux blancs, pour que pareil fait vous arrive, écoutez le conseil suivant : il est bien entendu qu’il ne s’agit que des enfants sages, — sages comme des images — donc vous allez demander à ces chers parents qui ne pourront pas vous le refuser de vous accompagner au coin des rues Ste-Catherine, St-Laurent et St-Charles-Borromée.
Vous entrerez dans le grand magasin que vous connaissez bien «Le Grand Bazar». Vous verrez là tous les jouets que votre imagination peut rêver. Vous demanderez aux employés qui seront à vos ordres de vous les montrer tous, puis, chaque soir, dans vos prières, jusqu’au 1er janvier, vous implorerez le bon Jésus de vous donner ce que vous aurez le plus de plaisir à avoir.
Si vous suivez bien ce conseil, vos prières seront certainement exaucées et c’est d’ailleurs le souhait que fait pour vous
Votre meilleur ami