J’aime bien Jean-Marie Gustave Le Clézio, né à 1940 à Nice, en France, romancier et essayiste. Ses essais sont bien intéressants. Je suis dans L’inconnu sur la terre. Dans mon quartier, à Québec, il y a des couples qui passent avec leur jeune enfant. Et je m’arrête pour sourire, pour parler au jeune enfant. Et, souvent, celui-ci sourit.
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Voici ce qu’écrit Le Clézio à leur sujet :
Les enfants éclairent, ils sont la lumière. Les enfants sont semblables aux pauvres, aux nomades. et d’eux vient le même sentiment de force, de vérité, le même pouvoir, la beauté. Il nous donnent tout cela et cela nous traverse. Les enfants sont magiques, les seuls êtres absolument magiques.
Quelle est cette lumière qui paraît tranquillement, qui rayonne, cette lumière de leurs yeux, de leur visage, de leur corps ? Elle vient d’eux naturellement, elle brille sans faiblir. Quand on regarde leur visage et leur corps, c’est comme si l’air devenait plus pur, plus frais, plus transparent, comme s’il n’y avait jamais rien de sale, de dangereux, de mauvais. Les enfants regardent le monde moderne : les avions, les autos, les hauts immeubles qui ressemblent à des prisons, et à travers eux. On voit alors d’autres choses apparaître, des choses neuves et belles, inimaginables, qui libèrent ce qui était caché. On voit mieux et plus loin, grâce à leur regard l’espace est devenu encore plus grand.
Ils savent faire cela, les enfants sans parole, sans idée. Dans leur corps, sur leur visage, la vie est présente tout entière. C’est une vie peut-être indestructible, une vie comme au jour du commencement.
L’avenir, cela ne veut pas dire grand-chose. Pourtant, c’est quelque chose comme l’avenir qui éclaire les yeux des jeunes enfants. Couleur de ciel, couleur d’eau de source, couleur de jeune herbe. Leur chair est de la même couleur, qui n’a pas de nom, qui ne ressemble à rien de déjà vu, mais que l’on reconnaît. Couleur de la lumière quand le jour vient de se lever, quand se forme la rosée sur les feuilles et sur les toiles d’araignée.
Ils savent quelque chose de grand et de vrai, les enfants; quelque chose qu’on n’apprendra plus, comme si l’expérience nous éloignait de cette première illumination. Le regard qui vient d’eux vers nous transperce, nous rend léger. Aucune cuirasse ne peut empêcher ce regard d’arriver.
J. M. G. Le Clézio, L’inconnu sur la terre, Éditions Gallimard, 1978, 225s.