Vous êtes-vous déjà buté à la notion de Tao ?

Je suis à traverser un ouvrage étonnant du physicien et philosophe des sciences français Étienne Klein, qui dirige depuis 2006 le Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière, relevant du Commissariat à l’Énergie atomique et aux Énergies alternatives. Il s’agit d’une réflexion sur le vide et l’existence ou non du néant.

Occidental que nous sommes, nous interprétons tout en termes de naissance-vie-mort, d’un début d’une suite et puis d’une fin. Se pourrait-il, par de là ce qui nous semble être un trajet, qu’il y ait une continuité fixe, immobile, qui est toujours là, qui était, l’est et le sera ?

Selon l’auteur, la vie et le monde ne peuvent être envisagés, de ce côté-ci de la Planète, que sous l’angle d’un perpétuel devenir, d’un mouvement ininterrompu. Et Klein de nous jeter dans les pattes la notion de Tao.

[…] le Tao est un pur indéterminé, un insaisissable qui n’est pas soumis à transformations. Il est sans être tout à fait. Incréé, muet, vide, éternel. Néanmoins, c’est parce qu’il est en dehors de l’être et soustrait à la mutation des formes que le Tao est créateur : en retrait du monde, il est ce par quoi les choses sont. Il ne se manifeste que dans ses résultats, les phénomènes, sans que jamais les processus et les formes de son action ne soient visibles. Son mode d’agir est imperceptible, secret, mais « il circule partout sans se lasser jamais ». [Ici, l’auteur cite Trinh Xuan Thuan, « La Tao du vide », in La plénitude du vide, Paris, Albin Michel, 2017, p. 269-306.] Cette figure — sorte de chaînon manquant de l’ontologie occidentale — serait-elle celle qui nous fait défaut pour devenir capables d’exprimer la transition entre le non-être et l’être ?

Étienne Klein, Ce qui est sans être tout à fait, Essai sur le vide, Arles Éditions Actes Sud, 2019, p. 44s.