De Jakob von Uexküll (1864-1944), biologiste et philosophe né en Estonie
Selon plusieurs, il fut le premier à développer le concept d’éthologie. Le voici, nous proposant une promenade.
Les milieux étant aussi divers que le sont les animaux eux-mêmes, ils offrent à tout ami de la nature de nouveaux pays d’une telle richesse et d’une telle beauté qu’il vaut la peine de s’y promener, même s’ils s’offrent à notre regard non pas physique mais uniquement spirituel.
La meilleure façon de commencer une telle promenade est de la faire un jour de soleil à travers une prairie fleurie, bourdonnante de coléoptères et parcourue de papillons voletant, puis de construire autour de chacune de ces bêtes qui peuplent la prairie, une bulle de savoir qui représente son milieu et est remplie de tous les signes perceptifs auxquels le sujet peut accéder.
Aussitôt que nous pénétrons nous-mêmes dans une telle bulle de savon, l’environnement qui jusque-là se déployait autour du sujet, se reconfigure totalement. Nombre de propriétés de la prairie bigarrée disparaissent complètement, d’autres perdent leur homogénéité, de nouvelles relations se créent. Dans chaque bulle de savon naît un nouveau monde.
Hambourg, décembre 1933.
Extrait de Jakob von Uexküll, Milieu animal et milieu humain, traduit de l’allemand et annoté par Charles Martin-Freville, Préface de Dominique Lestel, Éditions Payot et Rivages, 2010, p. 27s.
Ci-haut, cette chenille, fort concentrée, très occupée, complètement dans son monde, s’appelle Imbex Americana. Il s’agit de la larve de la tenthrède de l’orme.