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Être un animal autre qu’un humain

Il est fascinant d’avoir à répondre à cette question. Bien sûr, nous avons beaucoup en commun. Le partage des conditions climatiques où nous vivons. Le soleil et le temps gris. Le jour et la nuit. L’été et l’hiver. La campagne ou la ville. Avoir à l’œil la prédation. Et encore.

J’aime ce que dit le naturaliste et philosophe :

Les animaux sont des êtres énigmatiques parce qu’ils sont entièrement présents, là où ils sont. Fondamentalement affirmatifs, ils avancent leurs formes et leurs couleurs comme des évidences irréfutables. Ils n’ont pas été fabriqués de main d’homme — ils sont là, ils sont ce qu’ils sont et pourtant compliqués, organisés. Aussi compliqués et organisés que des phrases, et l’impression est renforcée par la régularité qui, généralement, préside à leurs formes et à leurs couleurs ; comme s’ils étaient des exemplaires de l’édition ne varietur d’un même livre que nul ne pourrait lire ailleurs en ses signes : telle tache à tel endroit présente sur tous les individus de telle espèce. Comme s’ils cherchaient à dire quelque chose qui n’a même pas besoin d’être traduit. Il n’y a aucune pensée de derrière la tête, aucune traduction à effectuer. Une pensée tout entière incarnée, sans aucun surplus, épuisant d’un coup toutes ses possibilités qu’elle est en train d’accomplir.

Les animaux sont des êtres sans profondeur, parce qu’ils sont la profondeur du monde. On ne peut pas aller plus loin qu’eux quand on interroge un paysage pour lui demander quel secret il enveloppe. Aller plus loin signifierait faire de la physiologie, faire de la biologie — c’est-à-dire, justement, perdre leur énigme pour la remplacer par une autre, sérieuse, celle-là, échappant à l’immédiateté.

Les animaux sont des réponses à des questions qui n’ont même pas eu à être posées. C’est pourquoi ils sont beaux. […] L’animal, parce qu’il est un être qui perçoit le monde sans disposer de la pensée réflexive, n’offre que l’extériorité de la compréhension — sans la compréhension. L’intelligence à l’état pur et qui ne se reprend jamais pour se connaître elle-même.

Alain Cugnon, La Libellule et le Philosophe, Paris, L’Iconoclaste, 2011, p. 17, 19s.

J’aime ce discours. Mais il n’empêche que marcher doucement par temps très calme dans les herbes hautes, puis soudain s’arrêter et ne plus bouger, peut valoir l’observation d’un insecte curieux. Ils ne sont pas tous là à craindre ou à être indifférents dans un milieu de paix. Il m’est arrivé à maintes reprises d’être observé longuement par des insectes immobiles. Quelque chose se passait alors dans leur tête. Quoi ? Je ne pourrais parfaitement le dire. Mais ils interprétaient ce qu’ils voyaient avec leur tête de sauterelle ou de papillon.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Nicole Richer #

    M. Provencher,

    J’aime profiter de ma balançoire du jardin pour contempler, écouter la nature qui m’entoure. Caméra en main, j’attends l’imprévu.

    Un petit Tamia rayé arrive du boisé, monte sur le poteau de clôture et m’observe. A quoi pense-t-il ? Comme vous dites, avec sa tête de tamia. Durant plusieurs minutes, on s’observe.

    Sans vraiment savoir ce qu’il pense, c’est merveilleux de partager ce doux moment !

    Bonne soirée.

    9 mai 2019
  2. Jean Provencher #

    Ah, chère Nicole, tout à fait le comportement qu’il faut avoir. Beaucoup d’animaux ne sont pas indifférents à notre présence. Et si nous n’utilisons pas la violence, si nous recourons au calme, nous leur donnons tout le temps voulu pour leur réflexion à notre sujet.

    Belle soirée à Vous.

    9 mai 2019

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