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Connaissez-vous le Cantal, l’Auvergne, ce pays français aux vieux volcans égueulés ?

Marie-Hélène Lafon, écrivaine, dans sa maison près de Riom-ès-Montagnes, 8 août 2009. 

Fort particulier, très impressionnant et bien beau.

Le Figaro littéraire du 10 janvier 2019 consacre un dossier à « L’Auvergne, une terre pour les écrivains ».

J’aime beaucoup les propos de l’écrivaine Marie-Hélène Lafon, née à Aurillac et qui a grandi sur la ferme de ses parents dans le Cantal, propos recueillis par Astrid de Larminat. Extraits.

La journaliste lui dit : « Vos romans évoquent aussi le monde sauvage qui entoure l’espace familier de la ferme ».

C’est mon maître d’école primaire qui m’a révélé ce monde de l’au-delà de la lisière du bois. Les hommes de ma famille ne chassaient pas et n’y pénétraient donc pas. Nous nous défendions du renard et des blaireaux, mais je n’avais pas conscience de cet univers sauvage limitrophe. Quand notre maître nous a décrit la faune qui y vivait, j’ai pris conscience qu’au-delà des apparences, il y avait un monde mystérieux, qui s’éveillait quand la nuit encerclait la ferme, et dont on percevait parfois un écho pendant le jour, un frôlement dans les taillis ou des traces dans la boue. La conscience de ce monde inaccessible, qu’on ne voit pas, qu’on ne maîtrise pas, mais qui est bien là, vivant, mitoyen, fascinant et inquiétant, éveille le sens du merveilleux. […]

 J’avais conscience de vivre dans un monde qui avait commencé avant moi et continuerait après moi, et que j’avais à y tenir mon rang. J’ai vécu dans la litanie de la fin de ce monde agricole, car les adultes répétaient que la ferme, avec les vaches, le lait, le fromage, c’était fini, qu’il fallait partir. Pourtant, j’avais conscience de l’immuabilité du paysage. L’érable dans la cour était là avant moi et demeurerait après moi, tout comme la montagne et la Santoire qui coule dans la vallée. Le système agricole sentait la mort, mais le pays était d’une verdeur et d’une vivacité éternelle. L’embrassement géologique du paysage entre Murat et Riom-ès-Montagnes donne un sentiment d’éternité très apaisant. […]

Qu’est-ce que ce pays-là aurait à dire au monde contemporain ?

Ce genre de pays vous ramène à l’os des choses, à cette poignée de choses essentielles qui fait qu’on est vivant : deux ou trois personnes, un livre, un arbre, savoir faire du feu, raconter des histoires. Il nous rappelle notre fond animal et rupestre. N’oublions pas que nous avons commencé d’être en  tribut et dans des grottes. Quelques chose d’archaïque perdure en nous. Nous aimons les histoires et le feu, ces choses qui font qu’on a moins peur d’être happé par la nuit qui nous précède et nous suit.

 

Astrid de Larminat, « Marie-Hélène Lafon : Je ne prétends pas qu’il faille avoir des racines, mais moi, ça m’aide à vivre ». Paris, Le Figaro, 10 janvier 2019, cahier Le Figaro littéraire, p. 2s.

La photographie de Madame Lafon, rattachée à cet article du Figaro, est de Philippe Schuler/Signatures.

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