Nous sommes sur le Côte-du-Sud à quelques 150 kilomètres à l’est de Lévis
Celui qui se nomme Reitelepp y va de ce propos.
La neige qui nous avertissait la semaine dernière du retour de l’hiver, de l’hiver avec ses vents glacés, ses froids âpres, cette neige a presque complètement disparu grâce à la température douce et agréable dont nous jouissons avec plaisir en ce temps-ci.
Mais, par Jupiter ! de quels affreux chemins nous sommes qualifiés. Partout, des trous « béants », une boue épaisse, qui rejaillit sur le passage des équipages, éclaboussant à qui mieux mieux et les conducteurs et les pauvres piétons. Par bonheur, les élégantes de notre village ne font pas autant d’étalage de toilette que les jolies Québecquoises, autrement ça serait regrettable et désagréable…. pour elles, nos belles Kamouraskaïennes.
Novembre touche à sa fin ! Novembre avec son ciel sombre, sa tristesse morne, mois de deuil et de souvenirs de ceux de nos frères, parents, amis qui dorment là-bas d’un sommeil éternel dans l’enceinte funèbre ! Hé ! n’oublions pas ces êtres qui nous furent si chers ! Une prière, une larme de regret pour les ombres souffrantes qui errent la nuit autour de nos demeures, mêlant leurs sanglots, leurs gémissements au bruit du vent qui siffle lugubre et plaintif dans la vaste plaine.
La navigation n’a pas encore fermé ses portes, pour le plus grand bien du commerce. La mer, toujours sereine, invite encore le hardi navigateur à déployer la voile, et à voguer en toute confiance sur les flots tranquilles. Deux grandes goélettes sont venues cette semaine prendre une cargaison complète de foin et d’avoine, expédiée par M. Ouellet, agriculteur distingué de cette paroisse. De plus, nous attendons ces jours-ci deux charges de bois de chauffage destinées à la consommation de notre village. […]
Reintelepp.
Le Soleil (Québec), 22 novembre 1898.
Déjà, une première fois, nous avions donné la parole à ce Reitelepp.
