Skip to content

Youou, Monsieur Whitman, êtes-vous là ?

En cette ère de déprime entretenue que vit l’humanité, ramenons Walt Whitman (1819-1892), ce grand poète américain qui a beaucoup aimé la vie.

Et retrouvons-le dans ce qui est à ce jour la meilleure traduction en langue française que je connaisse, celle de Rosaire Dion-Lévesque (1900-1974), né en Nouvelle-Angleterre, à Nashua, New Hampshire, et qui y a habité à peu près toute sa vie.

Voici un extrait de l’un de ses poèmes magnifiques. Parfois, on dirait que l’auteur est plutôt d’Orient que d’Occident. Et tout à fait d’aujourd’hui.

 

Chanson du crépuscule

 Splendeur flottante du jour terminé, et qui me remplit !

Heures prophétiques ! Heures qui résumez tout le passé !

Dilatant ma gorge — ô toi, Moyenne Divine ! Vous, Terre et Vie…

Jusqu’à ce que le dernier soleil s’éteigne, je vous chanterai !

 

Bouche ouverte de mon âme, chantant la joie !

Yeux de mon âme, admirant la perfection !

Vie naturelle de moi-même, fidèlement louangeant les choses,

Démontrant et chantant sans cesse le triomphe des choses.

 

Merveilleux, chacun de nous !

Merveilleux, ce que nous nommons espace : sphère peuplée d’esprits innombrables ;

Merveilleux, le mystère de la vie dans tous les êtres, même dans le plus infime des insectes !

Merveilleuse la faculté de la parole, de sens, du corps entier !

Merveilleux, le passage de la lumière ! Merveilleux, les reflets de la lune pâle dans le ciel occidental !

Merveilleux, tout ce que je vois, entends, touche sans cesse.

 

De la bonté en tout !

Dans la satisfaction et l’aplomb des animaux,

Dans le retour annuel des saisons,

Dans la gaieté de la jeunesse,

Dans la force et la plénitude de la virilité,

Dans la grandeur et l’excellence de la vieillesse,

Dans les superbes panoramas de la Mort ! […]

 

Merveilleux de respirer l’air délicieux !

De parler, de marcher, de prendre quelqu’un par la main !

De se préparer au sommeil, de regarder les teintes rosées de son corps !

D’être conscient de son corps satisfait et puissant !

D’être ce dieu incroyable que je suis !

De m’être mêlé à ces autres dieux, ces hommes et ces femmes que j’aime ! 

 

Merveilleux de pouvoir célébrer et moi-même et toi !

Comme mes pensées jouent subtilement parmi les splendeurs environnantes !

Et comme les nuages voyagent silencieusement là-haut

Et la terre tourne, tourne toujours ; et le soleil, la lune et les étoiles gravitent sans cesse.

L’eau jaillit de la fontaine et chante. (Certainement elle est vivante.)

Les arbres se dressent fièrement, avec leurs troncs robustes et leurs branches et leurs feuilles.

(Certainement ces arbres possèdent une âme !)

Émerveillement des choses… Jusqu’à la plus infime particule !

Ô spiritualité des choses !

Accords mélodieux traversant les âges et les continents, parvenant jusqu’à moi, ici, en Amérique !

Je m’empare de vos sons puissants, je les transpose, et joyeusement je les lance à mon tour. […]

 

Je chante l’Égalité, moderne ou passée ;

Je chante les éternelles fins de toutes choses ;

Je dis que la Nature continue, que la Gloise [sic] est sans fin ;

Je louange tout de ma voix électrique !

Parce que je n’ai pas découvert une seule imperfection dans l’univers,

Et que je ne vois pas une seule cause, un seul résultat à déplorer dans tout l’univers.

 

Rosaire Dion-Lévesque, Walt Whitman, ses meilleures pages traduites de l’anglais par Rosaire Dion-Lévesque, Montréal, Éditions Les Elzévirs, 1933, p. 199-203.

Avec les travaux qu’on mène en éthologie actuellement, pourquoi ne fait-on pas appel à Walt Whitman ? Bien avant nous, dès le 19e siècle, cet homme a déjà une perception, une compréhension de la Nature à laquelle nous arrivons aujourd’hui.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Michel Bonnette #

    Formidable ce texte! Merci Jean de nous le faire connaître.

    25 novembre 2018
  2. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, cher Michel. Ce poète, pourtant du 19e siècle, est tout à fait d’aujourd’hui. J’ai placé un autre texte de lui, sur l’évolution depuis plus d’un milliard d’années, qui apparaîtra sur mon site à minuit et neuf minutes, cette nuit.

    Belle soirée, cher Michel. Tenons, tenons.

    25 novembre 2018

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS