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Grave éboulis le long de la rivière du Chêne

Nous sommes dans la région de Lotbinière, au sud du fleuve Saint-Laurent.

Un passager arrivé ce matin par le Drummond nous fournit de nouveaux détails sur le terrible catastrophe qui s’est produite la nuit dernière à rivière du Chêne.

Cet établissement est situé à une quinzaine de milles en arrière de St-Édouard et à une douzaine de milles du premier bureau de télégraphe, Sainte-Philomène (Fortierville) ; c’est ce qui explique que les compagnies de télégraphe ici [à Québec] n’en sachent encore rien.

Comme le train stoppait à Ste-Philomène, un homme est arrivé à toute bride, sur un cheval tout couvert d’écume, à moitié fourbu et a narré brièvement ce qui s’était passé. Il tremblait de tous ses membres, il était encore sous le coup de l’épouvante de la scène terrible qui s’était déroulée sous ses yeux. Pour nous servir de l’une de ses expressions, il croyait la fin du monde arrivée. Il venait au village le plus rapproché demander du secours.

La falaise qui est très élevée à cet endroit s’est effondrée sur une distance d’une vingtaine d’arpents [un peu plus de 1170 mètres], entraînant plusieurs bâtiments et engloutissant cinq familles complètes, une vingtaine de personnes.

Cette catastrophe s’est produite si soudainement que les malheureux ont à peine eu le temps de se sentir emportés, qu’ils ont été engloutis sans pouvoir rien tenter pour échapper au gouffre ouvert sous leurs pieds.

Le bruit produit par l’éboulement a mis en un clin d’œil tout le village sur pied. Les gens n’en pouvaient croire leurs yeux : à la place de plaines fertiles, où s’élevaient plusieurs habitations, où régnait l’activité des fermes, il y avait un chaos indescriptible, dont la photographie seule pourrait donner une idée.

Effrayés à cette vue, et en constatant que des crevasses s’ouvraient sous leurs pas, hommes, femmes et enfants se sauvaient à travers champs, fuyaient droit devant eux, instinctivement, sans se demander où ils allaient, poussés par l’idée de fuir le théâtre de l’épouvantable accident.

Sur le coup, chacun ne pensait qu’à sa conservation personnelle, mais le premier moment passé, on songea à tenter de porter secours aux victimes entraînées par l’éboulement ; jusqu’au moment du départ de l’interlocuteur de celui qui nous renseigne, les recherches avaient été infructueuses.

Vu l’isolement de ce canton, il est bien probable qu’il se passera une journée ou deux avant que l’on connaisse toute l’étendue de ce désastre qui rappelle celui de St-Alban dans lequel la famille Gauthier avait trouvé la mort.

Quant aux causes de l’éboulement de la rivière du Chêne, notre interlocuteur n’a aucunement pu nous renseigner.

 

Le Soleil (Québec) 17 novembre 1897.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Eric David #

    C’est un événement très très intéressant, d’autant plus que ce fut une fausse nouvelle (Un joli canard selon La Presse, p. 8, 17 novembre 1897 (Source: http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/3237354). Je ne saurais dire qui a été l’instigateur de cette nouvelle, mais elle a été ébruitée dans les journaux pendant plus d’une semaine.

    Il est intéressant de lire l’analyse de La Presse, p. 12, 18 novembre 1897 (Source: http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/3237355).

    Les fausses nouvelles ne date pas d’aujourd’hui…

    3 décembre 2018
  2. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, Monsieur David. J’ai beaucoup cherché la suite dans Le Soleil, mais jamais le journal n’y revenait pour nous dire que c’était un canard.

    J’ai fouillé, j’ai fouillé dans ce journal. D’autant plus que c’est un coin du monde que j’aime beaucoup et je connais la rivière du Chêne.

    Précieux témoignage que le vôtre. À nouveau merci !

    3 décembre 2018

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