Mesdames, petit cours de savoir-vivre
Cet avertissement nous vient parfois aux lèvres en observant les mouvements maladroits ou presque inconscients de nombre de jeunes femmes ou de jeunes filles, qui semblent oublier que, si leur ombrelle est un accessoire de toilette des plus utiles et des plus élégants, elle devient aussi à l’occasion — entre certaines jolies petites mains d’étourdies, surtout — une arme vraiment redoutable.
C’est qu’une distraction d’une seconde suffit pour que votre ombrelle aille menacer les yeux de quelqu’un ou d’accrocher désagréablement un chapeau du voisinage. Il arrive même que, faisant une promenade avec une personne distraite, on en soit réduit à surveiller soi-même tout le long du chemin — au risque d’être éborgné — les écarts désordonnés du parasol de cette compagne de route incommode qui, elle, ne remarque même pas la contrainte qu’elle impose.
Non seulement il faut éviter à tout prix que notre ombrelle, quand nous l’ouvrons, soit pour les autres une gêne ou une menace, mais encore qu’elle donne lieu à des incidents saugrenus, maladroits et ennuyeux pour tout le monde. […]
Croyez-moi, ne dépoétisons pas nos ombrelles ; sachons plutôt user avec art de ces abris multicolores, soyeux et charmants, qui s’improvisent à notre gré sur nos têtes, de cet attribut si féminin qui égale d’une auréole lumineuse les chevelures brunes et blondes, et jette aussi un reflet doux sur les boucles d’argent.
A. R.
Le Canada (Montréal), 27 juin 1903.