La domestication du Merle d’Amérique
Voici un texte incroyable, apparaissant dans un tout petit livre de 85 pages : Horace Têtu, Oiseaux de cage. Déjà, l’auteur nous avait parlé de l’apprivoisement du serin. Il nous entretient ici du merle.
En parlant d’un enfant espiègle ou dont l’intelligence est remarquable, on a raison de dire : «il est fin comme un merle». Cet oiseau a un regard fin et intelligent : perché ou non perché, la pose du merle est noble. Son instinct le porte à s’approcher de l’homme et son nid est ordinairement placé dans le voisinage des habitations et se trouve à la bifurcation d’une branche, soit dans un arbre soit dans un arbrisseau.
En s’approchant ainsi de nous, le merle semble par là nous demander protection contre ses ennemis, les oiseaux de proie, qui souvent le persécutent en lui enlevant ses œufs ou sa couvée. Il n’est cependant pas toujours à l’abri des chats qui souvent lui dévorent sa progéniture.
De tous les oiseaux sauvages capturés dans le nid, il est à peu près le seul qui vive en cage.
Pris jeune et à sa sortie du nid, le merle s’apprivoise facilement; il a la faculté de reconnaître celui qui le soigne et de lui témoigner son attachement par des cris de joie. Si on le laisse sortir de sa cage, il nous suit soit en voltigeant autour de nous, soit en se posant sur notre épaule ou sur notre tête où il demeure assez longtemps, tantôt en repos, debout ou accroupi à la façon d’une couveuse, tantôt occupé à nous tirer les cheveux avec son bec.
Si l’on remue les lèvres et que l’on mange quelque chose, le merle vient se percher sur notre épaule, s’allonge le cou et nous regarde manger, et, si par hasard, on laisse apparaître la moindre parcelle de nourriture, le merle la picorera et nous l’enlèvera avec une délicatesse charmante et sans nous pincer les lèvres.
Le merle apprivoisé vient sans façon prendre entre nos doigts ou dans notre main les insectes ou toute autre nourriture qu’on lui présente, et même à travers les barreaux de sa cage il saisira le cormier, les insectes, etc., que nous tenons entre nos mains. Que le chien de la maison soit en repos ou en mouvement, le merle lui sautera sur le dos et y restera quelques instants sans s’occuper des allées et venues du quadrupède; le merle ne se gêne pas de réveiller le chien qui dort en lui piquant le nez ou d’essayer de lui saisir la queue quand elle est en mouvement.
Si le merle trouve du papier sur le plancher, il le fera voler en l’air dans le but de s’amuser. Dans les fenêtres, le merle ira saisir toutes les mouches et les engloutira sans miséricorde. Quand le soleil projette ses rayons dans la fenêtre, c’est encore là que notre oiseau apprivoisé ira, après avoir pris son bain, se faire sécher les plumes.
Voici encore des exemples de l’intelligence et de la sagacité du merle apprivoisé. J’ai entendu parler d’un merle que sa maîtresse avait habitué à faire ses excréments sur un morceau de papier, mais ce qui étonnait le plus, la vieille avait habitué aussi son oiseau favori à lui chercher ses lunettes, ce dont le bipède s’acquittait à la grande satisfaction de sa maîtresse.
Aussi avait-on offert un bon prix à cette dernière pour son favori et elle avait toujours refusé. À ce propos elle disait : «n’est-ce pas une honte pour moi qui vis de charité, de refuser de vendre mon oiseau», mais, ajoutait-elle, les larmes aux yeux : «Je ne puis me résoudre à faire ce sacrifice, mon oiseau est si intelligent que je tiens à le garder : il est ma seule compagnie».
Le merle en captivité peut répéter des mots qu’il entend souvent. J’ai vu un merle qui répétait le nom d’une fille appelée Rosalie, il prononçait ainsi : «Ro,, ro.. ro.. sa.. lie».
Et rappelez-vous l’histoire de cette dame qui aimait tant un merle qu’elle a fait graver son image sur sa pierre tombale.
Mes merles, eux, appartiennent à la vie sauvage. Le seul échange qu’il m’est permis est de reprendre leur cri d’agacement. Et là, ils me répondent avec ce même cri, mais en haussant le ton, n’aimant guère que j’aie appris un peu de leur langue.
Très intéressant, j’apprends l’intelligence d’un couple de merle d’Amérique qui revient depuis quelques années faire son nid dans mes gouttières, sous le balcon, avec les mêmes habitudes, même branche de surveillance, mêmes endroits pour manger, aux mêmes heures.
Ils sont magnifiques et nous observent, comme de petits espions au travers de la grande fenestration.
Quel bonheur qu’ils aient adopté notre coin de forêt pour y vivre.
Merci pour les infos et les histoires racontées.
Ah, restée aux aguets, chère Janique, car ils sont bien intelligents. Moi, je reprends leur chant, mais ça les agace. Bonne journée de printemps.