«Confession»
J’aime bien ce Melchior Bonnefois, dont on ne sait à peu près rien. À son nom, il ajoute simplement «Voyageur forain» et «membre de l’Union des poètes». La Patrie du samedi 8 août 1896 nous donne à partager ce poème de lui.
Confession
Non, je ne suis pas un savant;
Je suis un enfant de bohème,
Et sans résoudre aucun problème,
Je vais où m’emporte le vent.
Vers la violette qui pousse
Pour embaumer les amoureux,
Vers le chêne au tronc vigoureux,
Vers le ruisseau bordé de mousse.
Je vais vers tout ce qui bénit,
Vers ce qui pleure et ce qui souffre,
Trop heureux d’arracher du gouffre
Le faible oiseau tombé du nid.
Je vais vers les secourables,
Vers ceux dont le cœur est ouvert,
Qui protègent contre l’hiver,
L’essaim grouillant des misérables;
Vers tout ce qui fait beauté,
Les Arts et la Littérature;
Vers tout ce qui, dans la nature,
Répand le charme et la bonté.
Je vais où m’emporte mon âme,
Vers les rayonnements vermeils,
Vers les fleurs et vers les soleils,
Vers L’Idéal et vers la Femme.
De mes esprits endoloris,
Si l’amour panse la blessure,
Que peut me faire la piqûre
Du noir frelon qui m’a surpris ?
Que m’importent les jalousies,
Les haines et tout leur venin,
Si, sur des lèvres de satin,
Je bois toutes les ambroisies;
Si, libre comme les pinsons,
Je peux, parmi les hautes herbes,
Courir et moissonner des gerbes,
Tout en rimaillant mes chansons;
Si leurs accords, chassant le doute,
Calme un instant la douleur;
Si je sème un peu de bonheur
Et d’illusion sur ma route !
Je me ris alors des méchants,
De la tourbe des ignorances,
Puisqu’en mon cœur les espérances
Font résonner leurs joyeux chants;
Puisque je suis, dans un sourire,
D’amante, de mère ou d’enfant,
Trouver un bonheur triomphant
Que nul jaloux ne peut détruire.
Non, je ne suis pas un savant,
Je suis un enfant de bohême,
Et, sans résoudre aucun problème,
Je vais où m’emporte le vent.
Melchior Bonnefois.