Deux ans d’une écriture quotidienne dédiée au «ciel» et à la «terre»
Ainsi s’ouvre le quatrième de couverture de cet ouvrage, Météoriques, premier livre de poésie paru en 2001 de Gérard Haller, né en 1952 en Moselle, qui vit et travaille à Paris depuis le milieu des années 1980.
Le 22 juin 2001, Patrick Kéchichian écrit dans le journal Le Monde : «Avec une très grande économie de moyens et de mots, avec surtout un lyrisme totalement retenu et cependant honoré, Gérard Haller donne à voir un monde dont il n’est pas le centre. […] Ce pourrait être compassé, artificiel, mécanique, c’est constamment juste, vrai singulier. Météoriques est incontestablement l’un des grands livres de poésie de ces dernières années.» Extraits.
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Strasbourg, mardi soir
Ach ! et ce coucher encore
sur le vieux fleuve là-bas
si beau c’est trop beau si
comme au cinéma
Ça m’a ému vous aussi
[Je t’aurais bien embrassé]
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Chaque jour nous garde de l’éternité
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Solution : 3615 J’EXISTE
Problème : je suis nombreux
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La chaleur
Depuis hier, la chaleur est là
Entière. Offerte, Épuisante déjà
L’immense corps à corps de la lumière
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Bitche, fin d’après-midi
Pensé à vous
(Comment vous faites vous, avec la Mort ?)
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Cette douceur, oui
À même l’air maintenant, cette présence de personne faisant tous les corps s’effleurer
Quel amour, non ?
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Nous n’avons rien à envier aux dieux
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Ce serait aux dieux plutôt d’envier la beauté des mortels
En tous cas c’est ici qu’il fait beau
En tous cas aujourd’hui
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Tu me manques
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Strasbourg, samedi 18
Il n’y a rien de caché. Aucun secret, aucun mystère, aucun sens qui nous précéderait — il n’y a rien derrière le monde qui est. Mais il y a le monde, il y a la venue de tout avec tout au monde, et cette venue est le sens
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(Seuls les amoureux sont l’un pour l’autre tout le promis)
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Les champs. L’odeur des champs
Jusque dans les maisons ici, l’odeur sucrée des animaux
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Jeudi 16 avril
Il n’y a rien à ajouter à la terre
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Bon. Voilà le beau
on dirait qui reprend le dessus
En tous cas il fait beau
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TOI : Nous sommes tout le ciel
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Soir
Tiens ! la nuit tombe plus tôt (Il va falloir faire court pour jouir du jour, etc.)
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Pluie. Ça calme
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Le jardin est plein
de vie. Ça grouille et coïte
jusque sous les pissenlits
Encore heureux mon amour
qu’on soit pas mystiques
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Comme au premier jour c’était
Quand tous les corps de la terre déjà
tremblaient de se manquer
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Mardi 15
Vous pleurez. Ça vient de loin. Du commencement. Vos larmes, chaque fois, sont comme l’écho en vous de la partition qui est au commencement, elles sont pour faire le deuil du dieu dispersé au commencement. Mais c’est de ce deuil qu’il vous faut encore faire le deuil
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21.4
étang des Essarts
Mon amie,
Comme tout, ici, a l’air d’accord ! L’eau, d’accord pour être eau et la forêt pour être forêt, et chaque chose ainsi, ce chemin, ce pin, cette pierre, ce martin-pêcheur, chaque un d’accord pour être celui-là et d’accord pour être avec tous les autres la terre et rien d’autre
Et le plus beau : toutes les choses, ainsi, se tenant les unes les autres… Quelle autre éternité ?
Moi, je continue de me tenir à toi
La photographie de Gérard Haller apparaît sur le site du photographe berlinois Gerald Zörner.
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