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Pourquoi mépriser le travail agricole ?

Le 5 juillet 1889, dans un article non signé, l’hebdomadaire La Tribune (Saint-Hyacinthe), dans ce qui apparaîtrait être aujourd’hui la page consacrée à l’éditorial, veut valoriser le travail agricole.

En France, notre mère patrie, on voit un très grand nombre d’hommes instruits, qui ont fait des cours classiques comme on en fait dans ce pays, se livrer avec ardeur, avec amour même, à toute espèce de travaux agricoles. C’est que l’agriculture est en honneur et que le gouvernement, reconnaissant qu’elle est la source principale de ses revenus et la mère nourricière de toutes ses industries, se plait à décerner des récompenses à tous ceux qui s’y livrent et qui y apportent la moindre amélioration.

Ici, en Canada, c’est tout le contraire. À très peu d’exceptions près, les jeunes hommes qui ont fait un cours classique auraient honte de tenir les manchons de la charrue et se croiraient déshonorés si on les surprenait à charroyer du fumier sur la terre paternelle. Ils aiment mieux se faire avocats ou notaires. Les professions libérales sont sans doute honorables; mais l’agriculture l’est autant, sinon plus, et n’en déplaise à nos bons vieux routiniers qui disent qu’il n’y a pas besoin d’être instruit pour tenir les manchons de la charrue, nous soutenons que, pour être un bon agriculteur, il faut être aussi instruit qu’un notaire ou qu’un avocat.

Le mépris que l’on affecte encore de nos jours pour les agriculteurs date de la conquête. Les Anglais, qui ont toujours voulu nous absorber, ou nous chasser comme ils firent un jour des Acadiens, trouvèrent que leur conquête n’était pas beaucoup avancée en fait d’agriculture, et le titre d’«habitant» qu’ils décernèrent alors avec mépris aux cultivateurs, les soins qu’ils mirent à décourager la classe agricole, ont été les causes principales de notre peu d’avancement dans cette noble carrière.

Mais, depuis les grands jours de la revendication de nos droits, l’instruction s’est répandue dans nos campagnes. Les sociétés d’agriculture ont surgi de toutes parts. Dans plusieurs endroits, la routine a fait place aux systèmes en usage dans les vieux pays.

Cependant, dans certains quartiers, l’appellation méprisante d’«habitant» est encore en vigueur et le cultivateur, nonobstant la noblesse et l’honorabilité de son occupation, est encore regardé d’une certaine hauteur par les professions libérales.

 

L’illustration d’un maraîcher au marché Bonsecours à Montréal, prise par Henri Rémillard à l’été de 1957, provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec Vieux-Montréal, Fonds Henri Rémillard, Photographies, cote : P685, S2, D1.

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