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La Chasse-galerie selon un certain Grignon

Quel texte étrange intitulé «La Chasse-galerie» et signé par un auteur du nom de J. Grignon dans L’Écho des Bois-Francs, du 24 février 1900! À côté de cet écrit, la Chasse-galerie imaginée par Honoré Beaugrand tient d’une soupe de petit lait. Et, pourtant, à la toute fin, après un emportement qui va dans toutes les directions, Grignon verse dans l’argument de la Providence et compare les Québécois aux premiers chrétiens. Allez y comprendre quelque chose.

Mais plongeons.

 

Il n’est pas un de nos campagnards canadiens qui n’ait connu, dès sa tendre enfance, la tradition vulgairement appelée chasse-galerie. C’est un de leurs plus doux souvenirs que celui de ces longues soirées d’hiver, quand, marmots encore, leur grand’mère les accueillait sur ses genoux pour faire passer devant leur imagination ardente, à la lueur fauve de l’âtre pétillant, les tableaux de l’âge merveilleux du Canada. Et quels tableaux !

Tantôt une voiture qui, s’acheminant vers le moulin, prenait à l’improviste un élan vertigineux et allait tourbillonner dans la rue pour revenir sans encombre à son point de départ. Tantôt une vieille rechigneuse et toute cassée s’élançait, malgré la pesanteur de ses quatre vingt-dix-neuf ans, et courait claquer le pas sur la rafale ou danser une de ces bacchanales que le violon de Paganini ou du bonhomme X… de la côte X… avait seul le secret de cadencer.

L’air était rempli de lugubres hurlements sinistres et de plaintives lamentations. Les visions de loups-garous, de revenants, de farfadets et de lutins étaient à la mode du jour. On voyait parfois passer à la tête des grands pins de la forêt des canots pleins de mauvaises gens à l’aspect d’enfer qui chantaient et festoyaient pendant que les environs battaient l’air en cadence. Ô horreur ! le voisinage, depuis quelques soirs, avait signalé, la chose était certaine, la présence d’un homme… sans tête, qui errait autour des habitations.

Les grand’mères d’aujourd’hui se font un scrupule de passer, à la génération nouvelle, le précieux dépôt de cette tradition qu’elles ont elles-mêmes recueillies de leurs aïeux. Elles sont même assez honnêtes pour remettre à leurs neveux tous les intérêts composés dont ce dépôt s’est grossi entre leurs mains.

Mais l’enfant se faisant homme, à mesure qu’il se dégage des liens de son imagination, éprouve une tendance à devenir assez incrédule pour reléguer cette tradition au nombre des contes de fées. Cependant, ces récits, dépouillés des ornements que la suite des grand’mères est venu leur ajuster, laissent un fond de vérité qu’il importe aux Canadiens de connaître, parce qu’il en ressort une leçon importante sur l’histoire de notre sol natal.

Il n’y a aucun doute que la chasse galerie a son origine dans le tremblement de terre de 1663. Ce fut une des plus fortes commotions que la croûte du globe ait éprouvées. Les mémoires de l’époque nous apprennent qu’il y a eu de tels bouleversement en certains endroits que la nature n’était plus reconnaissable, des montagnes jaillissant en un clin d’œil du profond des vallons; des rivières changeant subitement leur cours; des forêts entières déracinées et culbutées avec fracas dans les crevasses béantes du sol; des habitations bondissant dans l’espace et volant en éclats : voilà la scène qu’éclairait la lueur rougeâtre d’un soleil à demi voilé et la clarté blafarde de mille météores parcourant l’atmosphère en tous sens en revêtant les formes les plus bizarres et les plus effrayantes.

Ces détails marquent trop bien le thème de cette tradition de la chasse-galerie pour qu’on s’y méprenne. Qu’on se représente maintenant l’état du Canada à cette époque : une population tout au plus de 4000 habitants, quelques rares défrichements autour des forts de Montréal, Québec et Trois-Rivières; la hache des Iroquois et la disette, encore plus dangereuse, toujours prêtes à fondre sur la cabane du colon; et l’on se demandera s’il n’y avait pas que la Providence capable de disputer l’existence de la colonie naissante aux éléments conjurés.

Elle le fit, puisque le Canada existe encore et plus prospère que jamais, mais la preuve éclatante de ce secours de la Providence est que durant tout l’espace de temps que dura ce tremblement de terre mémorable, il n’y eut pas une perte de vie à déplorer en Canada. Mais en retour le peu qu’il y avait de pêcheurs endurcis rentra dans le devoir, et la foi devint assez ardente pour rappeler le temps des premiers chrétiens.

Jetons de temps à autre un coup d’œil sur notre histoire et nos traditions.

Sur la chasse-galerie, voir ces billets où il en est fait mention.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. « Il n’y a aucun doute que la chasse galerie a son origine dans le tremblement de terre de 1663 ».

    Une affirmation non vérifiée et non vérifiable. Même si c’est difficile de trouver l’origine véritable de cette légende, et surtout du mot « Chasse-galerie ».

    On peut lire avec intérêt Jean-Loïc Le Quellec
    Directeur de recherches au CNRS
    CEMAf UMR 8171

    IL note justement l’idée farfelue de J. Grignon.

    http://rupestre.on-rev.com/page0/page3/assets/IRIS_1999.pdf

    Christiane

    18 février 2013
  2. Jean Provencher #

    Diable, chère Christiane, tout est dit dans ce texte de Le Quellec ! Merci infiniment !

    18 février 2013

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