Poèmes d’une écrivaine chinoise puisés dans un livre de paix (second de deux billets)
L’écrivain, poète et calligraphe chinois, François Cheng nous a proposé il y a 30 ans, en 1990, un livre précieux à la personne qui le trouve échappé sur son chemin, Entre source et nuage, Voix de poètes dans la Chine d’hier et d’aujourd’hui.
Voilà que, dans ce livre, il s’arrête ici à Ping Hsin, née en 1902. Au sujet de cette poétesse, il écrit : Continuant la tradition poétique chinoise, non sans avoir reçu l’influence de quelques poètes étrangers (Tagore, poètes japonais, etc.), elle excella à dire des choses profondes à travers des vers très simples. Aujourd’hui, sa poésie n’a rien perdu de sa fraîcheur et de son charme. Hier, nous vous proposions une première volée de ses poèmes. En voici une seconde.
Mon ami
Assieds-toi,
Cesse tes allées et venues
Ton ombre qui s’agite sur l’eau
Trouble la sérénité des poissons
Hier soir j’étais sur le lac
Ce soir j’écoute tomber la pluie
les gouttes troublent le lac de mon cœur
et tracent des rides sans nombre
Crépuscule au cœur de la forêt
est-ce bien la première fois
Et pourtant impression de déjà vécu
Dans l’ombre pâle des nuages et de la lune
le vent soudain agite les branches —
C’est le moment où tu dois trouver ta vérité
Chasse la pensée ;
Mets une cape doublée
Et sors
Loin des maisons silencieuses éclairées par les lampes…
Le long du sentier le regard de la lune te suit.
Les branches enchevêtrées là sur la neige tracent encore les signes de ta pensée.
Sur l’eau verte de la rivière se penchent les lavandières et passent quelques canards…
Le poète à dos de mulet entre pas à pas dans le paysage de son poème.
Où donc réside le mystère sans fin
quand le sourire s’efface
avant que se forment les mots
Là réside sans fin le mystère
Ruisseau printanier — adieu
Du fond du cœur je te sais gré d’avoir coulé tout un printemps
Tant de mes pensées sont parties au fil de l’eau
Un geste d’adieu —
Suis ton cours à loisir vers le monde des hommes
Tandis que je reste près de la source
attentive aux mystérieux échos
François Cheng, Entre source et nuage, Voix de poètes dans la Chine d’hier et d’aujourd’hui, Paris, Éditions Albin Michel, 2002, p. 174-177.