Retour chez Baptiste Morizot
Perdus que nous sommes dans cette abondance de nouvelles sur ce virus, vous vous souvenez ?
Morizot est cet homme qui à l’été 2016 nous demandait de cesser d’abattre les loups et de chercher plutôt à les connaître. Il avait accordé une formidable entrevue à Catherine Vincent du quotidien français Le Monde.
Moi-même je vous l’avais présenté le 26 mars dernier, à la lecture de son livre Manières d’être vivant. Morizot, comme Sylvain Tesson avec la panthère des neiges, est fou du loup. Il nous en parle abondamment dans son dernier ouvrage. Il aime — et on le comprend — la vie des loups, car ils diffèrent l’un de l’autre, comme chez les humains. Certains étant heureux plus solitaires, d’autre moins. Et, le soir, vers les 22 heures, qu’importe leur caractère, ils se retrouvent en meute, souvent en prenant plaisir à « chanter » ensemble. Alors l’humain peut même échanger avec eux en cherchant à les imiter dans leur chant.
Morizot en est très heureux. Extrait.
« Nous allons nous coucher, légers comme seule la résonance le permet : le sentiment que nous pouvons, l’espace de quelques échanges, déchirer le mythe moderne du mutisme de l’univers. Qu’en fait, si l’on fait le travail diplomatique de traduction, d’intercession, si l’on se déplace dans cette zone frontière où les formes spécifiques se brouillent, il est possible d’entrer en contact avec tous les aliens familiers.
C’est en fait un singulier pouvoir du loup qu’on érige trop vite en propriété de tout le cosmos vivant : la convergence évolutive qui fait que notre voix peut mimer la sienne, que notre mode de vie ressemble au sien, que nous sommes lui et nous suffisamment individués et sociaux pour que l’appel fasse sens à son oreille, et qu’il ait envie d’y répondre, c’est bien une étrangeté, un point de rencontre spécial entre deux formes de vie par ailleurs incommensurables. »
Parizot va rajouter la phrase suivante : La communication n’est pas aussi aisée avec les araignées épeires, les buses variables [Buteo buteo] (bien qu’on s’entre-siffle volontiers) et les hêtres, bien qu’on cherche sans relâche des relations de résonance avec eux.
L’auteur échappe les mots « araignées épeires ». J’ai chez moi, à ma campagne, une araignée de cette famille, l’argiope aurentia. Elle sait qui je suis, depuis que j’ai osé la flatter doucement. Et me voyant revenir, elle regagne aussitôt, avant que je m’approche davantage, la cachette qu’elle s’était trouvée.
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L’image de loups dans le Parc national de la forêt bavaroise, en Allemagne, est de Imago/StudioX. Elle est rattachée à l’entrevue menée par Madame Vincent parue dans Le Monde.