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Je suis à fréquenter un livre comme nous aimerions en avoir plein les tablettes

J’y passe très lentement mes soirées de crainte qu’il ne se termine trop rapidement tant il est riche. Le genre de livre dont on aimerait avoir été l’auteur.

Né à Draguignan en 1983, Baptiste Morizot est un enseignant-chercheur en philosophie, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille. Sa page Wikipédia précise que ses recherches portent principalement sur les relations entre l’humain et les autres vivants.

Comment donc vous donner une idée du ton. Et même de sa démarche cachée dans ces mots. L’auteur n’utilise guère de titres et de sous-titres dans son travail. Cela se présente comme toute une bourrée. Mais appelons cet extrait que j’attrape au vol : Réflexion sur le printemps.

L’appauvrissement de la biodiversité, ce que Morizot appelle l’écofragmentation dans l’extinction

« … s’origine d’abord dans notre cécité au fait que les autres vivants habitent : la crise de notre manière d’habiter revient à refuser aux autres le statut d’habitants. L’enjeu est donc de repeupler, au sens philosophique de rendre visible que la myriade de formes de vie qui constituent nos milieux donateurs sont elles aussi, depuis toujours, non pas un décor pour nos tribulations humaines, mais les habitants de plein droit du monde.

« Parce qu’ils le font par leur présence. La microfaune des sols fait, littéralement, les forêts et les champs. Les forêts et la vie végétale des océans fabriquent l’atmosphère respirable qui nous accueille. Les pollinisateurs font, littéralement, ce que nous appelons, candides, le « printemps », comme si c’était un cadeau de l’univers, ou du soleil : non, c’est leur action bourdonnante, invisible et planétaire, qui appelle chaque année au monde, à la sortie de l’hiver, les fleurs, les fruits, les dons de la terre, et leur retour immémorial.

« Les pollinisateurs, abeilles, bourdons, oiseaux, ne sont pas posés comme des meubles sur le décor naturel et immuable des saisons : ils fabriquent cette saison dans ce qu’elle a de vivant. Sans eux, vous auriez peut-être des fontes de neige lorsque l’ensoleillement augmente vers le mois de mars, mais elles auraient lieu dans un désert : vous n’auriez pas les fleurs des cerisiers, ni aucune autre, ni aucun effet de la fécondation croisée qui fonde le cycle de vie des angiospermes (toutes les plantes à fleurs de la planète, qui forment plus des neuf dixièmes de la biodiversité végétale terrestre). Vous n’auriez qu’un hiver interminable. […] »

 

Nous nous sommes permis de créer ici trois paragraphes, alors que l’auteur y va de toute une venue dans son livre.

Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, Enquêtes sur la vie à travers nous, Actes Sud, 2020, p. 29. Postface d’Alain Damasio. L’ouvrage a 325 pages.

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