Le Tarin des pins (Carduelis pinus, Pine Siskin) est un oiseau unique
De toute ma quête chez les oiseaux de mon lieu depuis des dizaines d’années, le Tarin des pins est celui de qui j’ai le plus appris.
Il est venu seul pendant un temps, ce qui me permettait d’observer son comportement en ma présence et au sein de groupes de d’autres espèces, comme le Chardonneret jaune et le Roselin pourpré. J’ai pu aussi l’observer longuement lorsqu’il s’amenait par bourrées, en grands groupes, et demeurait sur place pendant quelques mois.
Et, constamment, j’apprenais du nouveau. Longtemps, je me fiais, sans contester leurs dires, à ce qu’en disaient les auteurs de livres sur les oiseaux d’Amérique du Nord. Mais quelque chose que je n’arrivais pas à préciser m’agaçait. On se contentait d’y aller de descriptions convenues à son sujet : saison de nidification précise, lieu de nidification connue, l’hiver dans des climats plus doux et l’été dans des lieux plus frais, plus nordiques, etc., comme la majorité des oiseaux de notre continent. Certains, dans leur ouvrage, taisaient son existence, peut-être parce qu’ils craignaient de ne pas bien le saisir, de ne pouvoir l’« interpréter », ou simplement peu impressionnés par sa vêture, n’ayant pas la flamboyance de beaucoup d’autres.
À la vérité, le Tarin des pins est unique. Il brise les codes. Il défie les lois connues. Il déstabilise. Il oblige à nous questionner. D’où vient qu’il est comme cela, et non comme la grande majorité des autres vivant de leurs ailes ? Il niche au hasard qu’importe l’endroit, ne montre pas de dates définies pour des migrations, il peut être « remarquablement familier ». Il vient d’une très longue histoire qu’il a mémorisée, ce qui lui confère cette assurance. Un jour, certains se pencheront sur l’intelligence de cet oiseau. La vingtaine, parfois trentaine d’individus que j’avais depuis plus de deux mois, sont maintenant partis. Ils peuvent revenir dans quelques mois ou quelques années. À la fin de janvier 2016, en plein hiver, ils furent quatre-vingts soudain à rentrer et demeurèrent jusqu’au début de juin.
À mes yeux, cette impossibilité de les comprendre les rend fort attachants. Et uniques, bien sûr.
Pour montrer comment cet oiseau est difficile à saisir, il faut lire quelques lignes du texte que L. Nelson Nichols, membre de la Société linéenne de New York, a consacré à l’oiseau en 1923 :
Someone have said that any bird is frequent enough to be common if you go where it breeds. The Pine Siskin breeds from Atlantic to the Pacific and yet very few people have ever seen the bird. The reason is that bird not only confines itself pretty closely to the evergreen mountain forests, but even there it is uncertain in its abode. One year it may be seen in large numbers about one group of mountain peaks and valleys. The next year not a Siskin can be found in the whole district.
Quelqu’un a dit qu’un oiseau est fréquent lorsque vous pouvez connaître l’endroit où il niche. Le Tarin des pins niche de l’Atlantique au Pacifique, mais bien peu de personnes l’ont vu. La raison vient du fait que l’oiseau se tient dans les forêts de conifères en montagne, mais même là nous doutons de sa demeure. Une année, on pourra l’apercevoir en grandes bandes au sommet des montagnes et dans les vallées. L’année suivante, on n’arrive pas à trouver un seul d’entre eux dans tout cet endroit.
L. Nelson Nichols, « Pine Siskin », Birds of America, collectif sous la direction de T. Gilbert Pearson, New York, The University Society Inc, 1923, collection Nature Lovers Library, volume trois, p. 17.
Le sujet du Tarin des Pins vous intéresse ? Vous trouverez trois autres billets depuis quelques semaines. Le 18 octobre, le 19 octobre et le 23 octobre.