« Les phares »
Si les personnes qui vivent sur la terre ferme sont parfois effrayées par la violence des vents pendant une tempête, qu’elles doivent donc dire les angoisses de ceux qui vivent dans un bâtiment exposé à toute la furie de l’Océan.
Quand on regarde un phare pendant un temps calme, il est presqu’impossible de se faire à l’idée que quelquefois la mer va se briser sur la lanterne de cette construction si élevée. Cela arrive pourtant fréquemment, et on en a vu un exemple, il n’y a pas encore longtemps, après qu’on eût complété le phare de Bishop’s Rock, qui s’élève sur un rocher au-delà des îles Scilly et qui s’avance au loin dans l’Atlantique.
L’un des constructeurs a raconté qu’une mer immense vint frapper la tour au-dessus de la lanterne et emporta la cloche destinée à avertir les navigateurs dans les temps de brouillards. Cette cloche était suspendue à une tige de fer solide ayant trois pouces carrés.
Il y a quelques années, les gardiens de ce phare se trouvèrent dans un terrible embarras, pendant un ouragan dont la violence était effroyable. Le phare était frappé par des vagues énormes qui se succédaient à de courts intervalles. Chacune faisait entendre un bruit semblable à la décharge d’un canon et ébranlait cette construction massive en pierre à tel point que tout tombait à l’intérieur.
Une mer effroyable brisa les grandes lentilles en plusieurs fragments, et une autre rompu les cylindres de la lumière de réserve, et l’on trouva accumulé sur le balcon du phare du sable enlevé au fond de la mer à trente brasses de profondeur.
La force de ces masses d’eau est si grande que récemment, à Wick, une de ces vagues irrésistibles remua un bloc de pierre de 400 tonnes.
La Patrie (Montréal), 17 janvier 1882.
Le photographie du phare des îles de Scilly, en Grande-Bretagne, apparaît sur la page en langue anglaise qui lui est consacrée.