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Allez, gagnons le cœur de la France

L’écrivain français du mouvement des Lumières Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), qui vécut toute sa vie à Paris, a chanté la Ville Lumière.

Le quotidien montréalais Le Canada rend hommage à cet homme.

On s’est plaint de tout temps des bruits de Paris. Mercier, dans le « Tableau de Paris », assure qu’il n’y a point de ville au monde où crieurs et crieuses des rues aient une voix plus aigre et plus perçante.

« Le porteur d’eau, la crieuse de vieux chapeaux, le marchand de ferraille, de peaux de lapin, la vendeuse de marée [sic], c’est à qui chantera sa marchandise sur un mode haut et déchirant.

Et il admire la perspicacité des servantes qui, dans ce vacarme universel, distinguent du haut d’un quatrième étage si l’on crie les maquereaux ou les harengs frais, les laitues ou les betteraves. Et les sonneries ! Le chroniqueur, s’il était moins parisien, voudrait habiter Versailles où « le roi fait taire toutes les cloches tous les jours de l’année, hormis l’heure de la chasse ».

Les cloches sont aujourd’hui ce qui gênent le moins les Parisiens ; de bien autres bruits empêchent qu’on ne les entende. Mais, si Mercier revenait dans le Paris moderne, que ne dirait-il pas des chevaux de fiacre, des trompes d’automobiles, des cornes de tramways ? Et, s’il lui arrivait d’aller boire de la bière, à la terrasse d’un café, les crieurs de son vieux Paris ne lui paraîtraient-ils pas des artistes à voix harmonieuses en comparaison des camelots hurlant le « Résultat des courses », l’« Almanach des jolies femmes » ou le « Petit vent du nord » ?

Un seul bruit de la rue consolait Mercier de tous les autres : l’orgue de Barbarie lui a inspiré des couplets enthousiastes : « Qui n’a pas senti un vif plaisir en entendant le soir, du fond de son lit, le son mélodieux des orgues nocturnes qui égaient les ténèbres et abrègent les longues heures de l’hiver ? Émerveillé, bien clos et bien couvert, on prête l’oreille à ces sons qui, dans le lointain, ont encore plus de charmes. On s’endort voluptueusement en répétant l’air chéri qui a parlé à son âme ».

Et Mercier, en veine de poésie, souhaiterait d’être au pouvoir pour employer cette musique « ambulante et délicieuse, prolongée et diversifiée » comme « un moyen d’attacher encore plus le peuple à son gouvernement ». Quel miracle si, au son de l’orgue, Paris devenait combiste !

Émile Combes (1835-1921) est un homme politique français qui appliquera un anticléricalisme modéré par les lois de 1901 et 1904.

 

Le Canada (Montréal), « Les bruits de Paris », 25 juillet 1903.

Le portrait de Mercier provient de la page Wikipédia qu’on lui consacre.

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