Je suis tellement heureux
Voilà à nouveau le Satyre ocellé chez moi. Il est là de la dernière semaine de juin à la première du mois d’août. L’an passé, il n’est jamais apparu. Dans mon milieu que je connais beaucoup, l’absence soudaine d’une espèce me fait craindre. Sont-ce les embruns d’herbicides et de pesticides que mes amis agriculteurs répandent peut-être dans leurs champs qui arrivent jusqu’à l’Arche ? Je n’ose le croire. Mais, chose certaine, une espèce disparaît et je m’en attriste.
J’aime tant le Satyre ocellé. Vous voulez le rendre heureux ? Donnez-lui un espace formé de petits sous-bois. Il ne cessera d’aller de l’un à l’autre, n’aimant guère les vols en hauteur. Vous voulez qu’il soit près de vous ? Approchez très lentement son lieu de vie. Un changement le fascine, il semble curieux de tout. Il se posera et regardera. Et rappelez-vous cet ocellé qui sans bouger ne cessait de m’observer. C’est finalement moi-même, avant lui, après une douzaine de minutes, qui a brisé le flux de nos regards partagés.
Au fil des jours, vous vous attacherez à ce petit être. Chez moi, invariablement, chaque année, à l’abri du vent, il vit tout près de mon cèdre et de mes pruniers dont certains sont devenus mirabelliers. À proximité se trouve un lilas vieux seulement de moins de dix ans, mais dont la floraison est terminée quand l’ocellé apparaît. Pleut-il que mon ocellé a ses sous-bois pour le protéger.
Et la première semaine d’août vous attristera. Vous ne pourrez croire que c’est sans doute le dernier jour que vous l’observez tant il a abîmé ses ailes dans les feuilles et les herbes hautes de ses sous-bois tant aimés. Il n’est plus qu’un démembrement de ce qu’il était. Son cycle de vie terminé, son petit corps reposera quelque part au sol, dans l’Arche. Il y aura vécu ses heures. Un cadeau.
Cher ocellé.