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Un chant d’amour du poète Jacques Brault

Royaume

L’ambre et le basilic de quelque royaume à nos regards

les voici mouillés encore de songerie

 

Belle amphore de porcelaine dans le jour qui s’amène

j’aime que ta hanche arrondisse et creuse la lenteur de ton corps.

Et sonnent les campanules de lumière sur tes seins

femme de neige au sourire de lait

 

Voici le lieu dur de nos accordailles

la roche aveugle et le pays d’alentour esseulé de vastitude

Je t’aime sous le vol grave des outardes je t’aime dans les bras du nordet

malgré le silence sur nous comme une honte de mots

Comme si nous n’avions qu’à nous engluer dans l’ombre et à dormir

moites et muets.

 

Nous dirons en ce pays de fièvres et d’ennui

la murmurante la quotidienne langue de nos amours

 

Chanson de partance chanson de revenue

Chanson de toile où l’on tisse l’enfant

Ta voix dans la mienne et ma voix dans la tienne

Une seule lampée à l’eau courante de l’instant

Et le matin encore des gouttes à nos lèvres

Comme si nous n’avions jamais fini de boire l’un à l’autre.

 

Jacques Brault, « Royaume », Mémoire, Édition Librairie Déom, 1965, p. 22s.

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