Une autre pièce à verser au dossier d’une histoire québécoise du vent
Qui aurait dit que le vent froid soufflant du nord-est, le plus souvent en hiver, qui faisait expier les vieux péchés des habitants de la vallée du Saint-Laurent, n’était plus le même au lac Saint-Jean ? C’est pourtant bien ce qu’affirme l’abbé François Pilote.
Ce n’est pas tout d’avoir un sol fertile, il faut un bon climat. Celui du lac Saint-Jean, au dire de tous ceux qui y ont demeuré, est égal sinon supérieur à celui de Québec ; plusieurs même le comparent à celui de Montréal. Le lac Saint-Jean est pourtant à 30 lieues au nord de Québec. […]
Pour apprécier justement le climat d’une localité, on ne doit pas seulement faire attention à la différence des latitudes ; il faut aussi tenir bon compte des circonstances locales qui peuvent modifier considérablement la température. Paris et Londres, quoique plus au Nord de Québec, ne jouissent-ils pas d’un climat bien plus doux ? Il n’est donc pas impossible que le climat du lac Saint-Jean ait quelques avantages sur celui des bords du fleuve ? Il est certain que les vents du Nord-Est, si incommodes et si fréquents qui nous viennent du golfe, y sont plus rares ; et quand ils arrivent, ils sont toujours plus secs et plus légers. C’est qu’en changeant de pays, le vent Nord-Est change de caractère, ou du moins de qualité.
« Le problème de ces diversités ou de ces contrastes, dit l’auteur du tableau du climat et du sol des États-Unis, se résout avec assez de facilité par l’inspection des cartes géographiques. Aux États-Unis et en Canada, le vent du Nord-Est vient d’une étendue de mers dont la surface prolongée jusqu’au pôle la sature sans interruption d’humidité et de froid : aussi déploie-t-il éminemment ces deux qualités sur toute la côte Atlantique et dans le golfe Saint-Laurent.
« À mesure que l’on s’éloigne de la côte en avançant dans l’intérieur du pays, le vent Nord-Est diminue graduellement d’intensité ; il est plutôt sec qu’humide, plutôt léger et agréable que pesant et fâcheux. La raison est que ces courants d’air n’y arrivent qu’après avoir franchi un rempart de Montagnes, où ils se dépouillent dans une région élevée des vapeurs dont ils étaient chargés. »
[François Pilote] Le Saguenay en 1851; Histoire du Passé, du Présent et de l’Avenir probable du Haut-Saguenay au point de vue de la colonisation, Québec, de l’imprimerie d’Augustin Côté, 1852, p. 54s.
François Pilote (1811-1886), originaire de Saint-Antoine-de-Tilly, fonda en 1859 à Sainte-Anne-de-la Pocatière (aujourd’hui La Pocatière) la première école d’agriculture du Canada. On retrouve sa biographie rédigée par Serge Gagnon dans le Dictionnaire biographique du Canada.
Vous remarquerez que quelqu’un, quelque part, depuis 165 ans, a cherché à modifier à la plume le titre de ce petit ouvrage ci-haut, trouvant sans doute l’auteur trop conservateur dans le libellé.