Quand je vous dis que le journal Le Monde est essentiel
Depuis des années qu’il nous propose des constats, des phrases incroyables, tellement rares dans d’autre journaux, du moins de langue française.
Quel journal propose à sa une : Répéter aux jeunes qu’ils vivent dans une époque affreuse n’est que le reflet de l’obsession du déclin chez les adultes. Il faut apprendre à nos enfants à être libres, et à penser que «la vie vaut la peine d’être vécu» ?
Imaginez, une page pleine dans l’édition du 17 août 2016 des propos de Marie Rose Moro. La dame est pédopsychiatre, psychanalyste, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Paris-Descartes, chef de service de la Maison des adolescents de Cochin. Une page à faire laminer et à mettre au mur, ma foi. Pour l’avoir constamment sous les yeux. Y revenir et y revenir.
Son propos s’adresse aux parents français d’ados, mais il convient très bien aux parents d’Occident, dont les Québécois. Son texte, si clairvoyant, a pour titre Croire en nos enfants. Extraits.
«Quelles promesses faire à ceux qui naissent aujourd’hui et à ceux, adolescents, qui, pour devenir adultes, ont besoin de désirer le monde et de vouloir les changer ? Comment permettre à nos enfants de faire leur propre récit ?»
«Comment voulez-vous que jeunesse se fasse si on ne cesse de lui répéter qu’elle vit une époque affreuse et que nous courons à notre perte ? On ne peut accuser cette jeunesse de maux qui ne relèvent pas d’elle, ni briser ses rêves ou ne pas croire en eux.»
«Plutôt que d’avoir peur et de perdre espoir, ce que nous demandent nos adolescents, c’est d’être authentiques et de leur transmettre des histoires et des outils de vie. Mais cette transmission ne doit pas être un fardeau, au contraire, il s’agit de liberté et d’optimisme.»
«C’est pourquoi nous devons apprendre à nos enfants à être libres de construire leur propre identité dans un monde qui donne à certains envie de ne jamais sortir de chez eux. Libres de vouloir changer le monde et de s’en donner les moyens.»
«Pour ma part, je crois qu’au-delà de la psychologie, c’est tout simplement la tâche de tous les parents et de la société tout entière que de croire que nos enfants sont créatifs et feront mieux que nous, pas en termes d’ascenseur social, mais en termes collectifs, de bien commun.»
«Or, ce qui caractérise la jeunesse, c’est la nécessité d’inventer, d’innover, d’imaginer des manières de faire, de modifier les hiérarchies, de vivre, de s’engager, d’expérimenter toutes les formes de liberté, modalités adaptées à leur temporalité, à leur subjectivité aussi.»
«Ces enfants, ces adolescents nous obligent aussi à avancer dans la création d’imaginaires de la diversité, qu’elle soit psychologique, sociale ou culturelle. Imaginaires si importants pour ne pas renoncer à changer le monde ou du moins son lien au monde où il y aurait place pour chacun et pour tous. Et, comme l’écrit l’écrivain Alain Mabanckou, refusez la départementalisation de l’imaginaire. Être parents aujourd’hui, c’est d’abord assumer cet imaginaire et cette vision du futur, des futurs, des possibles, pour l’adolescent et le monde.»
Que dire après ces mots !
Confidence. Parfois, il m’arrive de trouver des gens de mon âge tellement «vieux», que je préfère alors vivre ma vie avec ce que Charlebois a dit, il y a déjà bien longtemps, des «bougalous, plus jeunes, plus fous». Il est bien tôt pour s’asseoir.
Un texte intense, rempli d’espoir, dont je retiens tout spécialement ce paragraphe: «Pour ma part, je crois qu’au-delà de la psychologie, c’est tout simplement la tâche de tous les parents et de la société tout entière que de croire que nos enfants sont créatifs et feront mieux que nous, pas en termes d’ascenseur social, mais en termes collectifs, de bien commun.»
Vous faites bien de rester debout, en mouvement, avec les « bougalous, plus jeunes, plus fous ». Continuez… La vie, c’est par en avant.
Quand j’entends dire autour de moi « ben voyons, on est trop vieux, c’est plus de notre âge », ça me donne des frissons…
Merci beaucoup !
Salut Jean,
Un article stimulant du Devoir du 21 novembre va un peu dans le même sens, traitant des questions environnementales : Êtes-vous « écoptimiste? ». Souffler sur les braises du pessimisme accule les gens à la dépression. « En revanche, l’espoir est un élixir qui pousse à l’action. Les gens ont le goût de s’engager quand ils estiment que leurs gestes peuvent changer le cours des choses. Il faut leur prouver que c’est parfois le cas. »
« Il faut donner des informations sur ce qui marche, sur les solutions. Les enfants sont très stimulés quand on leur donne des outils pour régler des problèmes. Les bombarder d’informations sans contrepartie, c’est les préparer à devenir des êtres impuissants. »
Voilà, cher Louis, tout est dit. Quand nous nous rendrons compte que nous sommes là à constamment promouvoir la déprime, j’espère tant que nous réagirons collectivement, que nous y irons d’un grand coup de barre.
Sans blague, je pense à nos enfants. Je n’ai aucune envie de leur dire de porter leur cœur en bandoulière. Voyons don ! Le bonheur est à notre porte, toujours. Mais nous sommes là, souvent, à leur répéter que tout dérive. Misérables, vraiment, sommes-nous si nous poursuivons de cette manière !