Les deux protecteurs
On ne pourra jamais connaître l’histoire complète de chacun de ces deux talismans, le rameau et le fer à cheval. Ils ont une histoire qui leur appartient en propre et ne pourra pas être tout à fait percée.
Le rameau fut marcheur dans sa première vie. Pendant des semaines, des mois, il a traversé tous les temps, s’aguerrissant, devenant capable de prêter un jour à d’autres la puissance de résistance qu’il développait. Le fer à crampons, lui, qui apparaissait au linteau de mon étable, a tant pris soin, l’hiver, des pattes des chevaux. À maints endroits où ces grandes bêtes allaient, il les a protégées de la mort. Car, on le sait, un cheval qui se casse la patte sur une plaque glacée doit malheureusement être abattu. On ne peut l’aider, la cassure lui est fatale.
Au début de la colonie, il s’est vu des chevaux glisser ainsi, sans fer à crampons aux pattes. Mais, enfin, un forgeron est venu, qui a imaginé cette chaussure pour eux.
Aujourd’hui, rameau et fer sont côte à côte. Venus d’un monde dont on ne sait trop où, ils protègent les bâtiments de ferme d’un grand rang, le rang de la Ligne, habités par un homme de bonté.
Parfois, la nuit, dans le noir des lieux, on entend les deux protecteurs se parler. Le rameau y va de ses récits étonnants, vécus par tous les temps, et le fer lui répond par des étincelles, ayant mémoire du bruit du pas des pattes des chevaux sur la dure.