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Parlons cigognes

Le Québec ne connaît rien aux cigognes. Autant se le dire. Oui, elles apportent le bébé à leurs parents au moment de leur naissance. Mais l’histoire a-t-elle même eu cours au Québec.

Dans mes recherches, je me rappelle que, quand la mère était sur le point d’accoucher, on allait mener les enfants chez la voisine en leur disant que les Sauvages étaient pour passer.

Allez, la cigogne. De Fulbert Dumonteil quand même. Davantage la plupart du temps au fourneau, il est vrai, qu’au champ. Mais voilà : «Les Cigognes». La Patrie du 22 juillet 1889 nous le propose.

C’est une grande voyageuse, la cigogne. Comme sa petite sœur l’hirondelle, elle émigre et fuit l’hiver, mais elle revient à chaque printemps avec son souvenir pour guide et son instinct pour boussole. L’aimant qui l’attire sans jamais la tromper, c’est son nid, le vieux nid qu’elle a construit au sommet d’une tour en ruine, sur un clocher rustique ou sur le toit d’une chaumière devenue sa maison.

Ce nid l’attend; abandonné à l’approche des neiges et des frimas, il redevient une couche et un berceau aux premiers rayons de printemps.

La présence de la cigogne est un porte-bonheur et son retour une joie publique. Sa terre de prédilection est l’Alsace. Jadis, lorsqu’apparaissait la première cigogne, on sonnait les cloches et la nouvelle, courant de porte en porte, faisait le tour du village : « Les cigognes sont revenues ! »

La cigogne est le marabout de l’Europe, un marabout poétique et charmant, à la patte délicate, au bec vaillant, fléau des reptiles et des insectes. À elle, la haute surveillance des récoltes et la direction de salubrité publique.

La cigogne est un oiseau presque sacré. Les Égyptiens la vénéraient et nous l’aimons comme l’hirondelle. La cigogne et l’hirondelle sont de pieux oiseaux; l’hirondelle se plaît dans les vieilles chapelles, voltige le long des voûtes, rase l’autel, se pose sur l‘épaule d’un saint et boit sans façon dans le bénitier en coquillage. La cigogne, elle, construit son nid à la cime des églises et des clochers; son grand cou ondule au pied de la croix, son bec se profile sur le ciel et sa tête penche comme si elle prêtait l’oreille au chant des cantiques et des litanies.

Dès son arrivée, la cigogne va droit à son nid et bat des ailes, comme pour dire aux habitants : «Me voilà ! Je suis de retour !». Puis elle entre dans le village, visite les fermes et les chaumières, se mêle aux volailles qui lui font fête et qui l’entourent comme si, ayant beaucoup voyagé, elle avait beaucoup à raconter. […]

J’ai dit que l’Alsace est la terre de prédilection de la cigogne. À chaque maison, elle y retrouve son blanc clocher, sa chaumière et son vieux nid; mais les amis qui saluaient son retour ont fait place à des visages allemands. Voilà dix-neuf ans que l’Alsacien, lui aussi, s’est fait émigrant; mais, comme son ami la cigogne blanche, il reviendra un jour de printemps.

 

L’illustration de trois nids de Cigogne blanche sur une église de Ciudad Rodrigo, en Espagne, provient de la page Wikipédia consacrée à la Cigogne blanche.

Fulbert Dumonteil a une fort belle plume. Voyez son autre texte, celui sur la chèvre.

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