Les joyeux lurons
À Trois-Rivières, en 1902, quand le pont de glace s’est brisé, il y a de ces joyeux lurons pressés de s’en retourner à Sainte-Angèle-de-Laval, incapables d’attendre le premier voyage du traversier. Et ils partent en chaloupe, raconte La Patrie du 4 avril.
On traverse actuellement de Trois-Rivières à Ste-Angèle en chaloupe en attendant que le Glacial reprenne le service. Hier après-midi, à 4 heures, dix à douze hommes prirent place dans la chaloupe en criant «Traverse, traverse. À Ste-Angèle !» Ces messieurs avaient pris quelques lippées et certes la gaieté dominait. En attendant l’heure de la traversée, 4.15 heures, l’un d’eux, pour tuer le temps, entonna : «À l’aviron» et les autres vociférèrent en chœur le refrain : « Laissez passer les roughmen ! Bang ! bang ! bing ! bang ! bang! »
Une petite foule s’amassa et l’on ria de bon cœur. Au début, un glaçon qui passait a failli faire chavirer la chaloupe, mais a failli seulement. La chaloupe lancée par dix avirons prit sa route vers Ste-Angèle. Tous les regards suivirent l’embarcation. De temps à autre, la brise nous apportait des fragments du refrain ci-haut que les voyageurs continuaient à vociférer.
Mais, avant même la fin de la journée, tous les bateaux ont repris les eaux. La Patrie le confirme le lendemain. La chaloupe n’est donc plus nécessaire.
Les premiers vapeurs qui ont sillonné les eaux de notre fleuve hier sont le «Béatrice», le «Shamrock», et le «Glacial». Le «Shamrock», qui est préposé à la pose des bouées, a brisé le piston de son hélice, mais a pu continuer cependant son service. Un grand nombre de personnes se tenaient sur le boulevard et plusieurs autres y accouraient aux cris de sifflet des vapeurs. Ces cris, qui annoncent l’ouverture de la navigation, sonnent gaiment dans le cœur de tous les Trifluviens.
Les paroles de la chanson Les Raftman sont extraites de l’ouvrage d’Hélène Baillargeon, Vive la Canadienne. 77 belles chansons du Canada français, Montréal, Éditions du Jour, 1962.