« Un vieux cantique »
«Souvenir du vieux temps» sous-titre L’Étendard du 16 décembre 1890. Moi-même, ça ne me dit rien. Mais allons-y donc.
Nous donnons aujourd’hui à nos lecteurs un cantique des bons vieux temps canadiens. L’air est bien connu; ils n’auront pas besoin de professeur de chant pour l’apprendre.
Les fêtes de Noël étant très proches, nous avons cru en profiter pour leur faire ce petit cadeau, connu peut-être de quelques anciens venant des environs du bon vieux Québec où, jadis, il était très en vogue.
CANTIQUE DE NOËL
Air : C’est notre père Noé
Allons, bergers, partons tous,
L’ange nous appelle.
Un sauveur est né pour nous;
L’heureuse nouvelle !
Une étable est le séjour
Qu’a choisi ce Dieu d’amour.
Courons au, zau, zau
Courons plus, plus, plus
Courons au, courons plus
Courons au plus vite
Voir ce pauvre gîte.
De nos plus charmants concerts
Que tout retentisse;
Le ciel à nos maux divers
Est enfin propice.
Accordons, en ce grand jour,
Le fifre avec le tambour,
Timbalette, lette,
Timbaltron, tron, tron
Timbalette, timbaltron,
Timballe et trompette
Hautbois et musette.
Satan, au fond des enfers,
Brûlant dans les flammes,
Voudrait dans les mêmes fers
Entraîner nos âmes.
Ne craignons que ses combats,
Tout son pouvoir est à bas,
Malgré sa, sa, sa,
Malgré fu, fu, fu,
Malgré sa furie,
Dieu nous rend la vie.
Quel présent faut-il porter
À ce roi des anges ?
Robin pour l’emmaillotter,
Fournira des langes,
Gros Guillot un agnelet,
Moi je porte avec du lait,
Le plus beau, beau, beau,
Le plus fro, fro, fro,
Le plus beau, le plus fro,
Le plus beau fromage
De notre village.
Mais pour bien faire la cour
À ce nouveau maître,
Notre zèle et notre amour
Doit surtout paraître.
Que chacun offre son cœur
Tout brûlant de cette ardeur;
C’est la saint, saint, saint,
C’est la to, to, to,
C’est la saint, c’est la to
C’est la sainte offrande
Que Jésus demande.
Cet article est un repiquage, sans que les crédits soient rendus, d’un texte paru dans La Tribune de Saint-Hyacinthe le 12 décembre 1890. De plus, le journal L’Étendard l’a amputé des lignes suivantes :
À notre époque, il serait imprudent et téméraire de faire exécuter ce vieux Noël dans nos églises; car ceux de nos bons vivants qui caressent un peu trop amoureusement la dive bouteille, à l’occasion des fêtes, pourraient à un moment donné confondre le cantique avec la chanson, en entendant leur air favori et après avoir laissé, en silence, défiler le Pharaon
La troupin, pin, pin,
La troufi, fi, fi,
La troupin, la troufi,
La troupe infidèle,
pourraient fort bien reprendre avec un entrain et peu édifiant:
Je bois du, du, du,Je bois bras, bras, bras,Je bois du, je bois bras,je bois du bras gauche,Ce qui me réchauffe.
Comme on n’avait pas à craindre le même inconvénient dans les monastères, les Dames Ursulines des Trois-Rivières ont fait chanter à Noël, par leurs élèves, le susdit cantique, pendant au-delà d’un demi-siècle, c’est-à-dire de 1752 à 1806.
* * *
Je me demande si l’air de cette chanson n’est pas celui-ci pianoté sur ce site.
Avec l’illustration ci-haut, nous fouillons vraiment dans les archives. Il s’agit d’une partie de l’affiche de la Troupe des Petits Chanteurs trifluviens, une manécanterie de scouts chanteurs dirigée par Jean-Paul Quinty au début des années 1950. Bien oui, scouts chanteurs, de là notre vêture. J’en faisais partie. Je suis le seul dans la rangée du bas, celle des sopranos, qui n’a pas son béret. Le sixième à partir de la gauche. Avec mon frère Raymond, j’y ai chanté de l’âge de 9 ans jusqu’à 11 ans. Je me souviens de la venue de Paris des Petits chanteurs à la croix de bois de l’abbé Maillet, me semble-t-il. Les deux chorales avaient été fusionnées pour certains concerts ça et là. Tous étaient habillés d’une aube blanche, avec croix de bois sur la poitrine.
De vivre le chant choral est quelque chose d’incroyable. Lorsqu’à l’unisson, nous touchons l’harmonique, la fréquence fondamentale qui soudain unit tout, il est fort difficile de décrire ce que nous sentons alors dans notre corps même, parcouru d’un saisissement des pieds à la tête, absolument semblable à l’orgasme. La grande manifestation de l’énergie vitale. Je vous la souhaite si vous ne l’avez encore jamais vécue.
J’arriverais mal à mettre un nom sur chaque chanteur. Si quelqu’un d’entre vous se reconnaît sur cette image, prière de me signaler votre présence, je vous en prie.