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La sensibilité, et non la raison, est notre véritable lien avec les autres vivants

Je suis à traverser un livre fort original et bien d’actualité, une analyse sur la sensibilité de chaque vivant, de l’arbre ou de la plante à l’humain, de l’oiseau à la fleur ou à l’insecte.

Toutes et tous, nous avons la sensibilité en partage. Et notre principal sens à plusieurs d’entre nous est la vue. Bien que je prends des photographies dans mon milieu fort calmement, je suis toujours étonné de constater que le vivant, quel qu’il soit, me regarde au moment de la prise de l’image.

Parfois encore, écrit Jacques Tassin, des jonctions opèrent contre toute raison, à la manière d’un pont invisible entre deux univers sensoriels différents. [Sur ce site internet, dans ce sens, mon ami Simon et moi avons créé une catégorie appelée « Portes, synanthropie, éthologie ».] Alors, l’orque décide de venir à la rencontre du plongeur, le renard sonde longuement le regard du promeneur du jour avant de s’enfuir, et la chevêche frôle de ses ailes le visiteur du soir. Nous connaissons tous ces rencontres sensibles advenant lors d’avancées erratiques au cœur d’espaces vivants. Chaque fois, l’entre-deux sensoriel s’est révélé à la faveur de sensorialités certes contrastées, mais qui cependant se sont furtivement rejointes. Le reste du temps hélas, tout n’est que retraits précipités, fuites et dérobades galopantes autour de nous…

L’an passé, j’ai vécu un événement incroyable où une araignée — l’Argyope aurentia — me reconnaissait. Et je viens de le revivre avec une de ses sœurs, mais, cette fois-ci, je ne lui ai pas touchée comme la précédente. C’est que je reprends quotidiennement les mêmes trajets sur le terrain pour constater s’il y a eu changement. Or, cette année, il y a de nombreuses toiles d’Argyopes aurentia dans les framboisiers sauvages de la cour. Soudain, l’une d’elles, me revoyant passer, prend peut-être panique, quitte le cœur de sa toile et va se réfugier, tout en haut, sur une feuille de framboisier. C’est tout à fait le geste que sa consœur avait posé en 2019. Et, à chaque fois, immobiles, elles se croient protégées. Puis, elles retrouvent le cœur de leur toile après mon départ.

J’adore ces deux événements. Il y a un pont, un échange, un partage, entre l’humain et l’araignée, habitant pourtant des univers tellement éloignés l’un de l’autre, chacun étant dans son monde. Une porte s’ouvre. Par delà une immense différence, nous nous découvrons, l’un pour l’autre, dans un même monde. L’araignée est ma sœur.

Voici cette argyope de cette année dans ses feuilles de framboisier, immobile.

Référence : Jacques Tassin, Pour une écologie du sensible, Paris, Éditions Odile Jacob, 2020, p. 52s.

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