La poésie d’Anise Koltz, Luxembourgeoise, désarçonne
J’aime beaucoup. J’en parlais, voilà, quoi, deux semaines. Elle vient de gagner en France le Goncourt de la poésie. Retour.
Hampi (Inde)
Nulle part
le silence des pierres
n’est plus éloquent
la désolation
plus somptueuse
Sous un soleil, pesant
l’éternité rôde
Le temps assis sur un roc
se repose d’être le temps
* * *
À ma mère
Je suis sortie
d’entre tes jambes
rêvant
d’être rêvée
Tu me langeais
de ton voile de noces
revendiquant
mon innocence
* * *
Le vol égaré
d’un papillon
peut changer le climat
d’un continent
* * *
Chaque aube
est une promesse d’éternité
Chaque couchant
sa flamboyante annulation
* * *
Mon corps est chaud
comme le seuil d’une église
Quand tu entres en moi
la Bible divague
* * *
Les amants
se prennent en otage
l’un l’autre
Ils tournent en rond
comme des animaux captifs
et traînent avec eux
leur piège
* * *
J’aime te sentir
sur moi
comme un pont écroulé
Ma rivière
polira tes pierres
Anise Koltz, Somnambule du jour, Poèmes choisis, Paris, Gallimard, nrf, 2016.