Cherchez-vous un livre à traverser calmement sous la lampe, loin des bruits sans nombre, par un soir tranquille ?
En voici un. De Virginie Blanchette-Doucet. 117 Nord. Son premier roman. Extraordinairement maîtrisé, dit le quatrième de couverture.
Je suis bien davantage essai que roman, mais celui-ci m’a eu.
C’est tout par courts tableaux, par paragraphes succincts. Et quel déracinement ! Mais avec plein de moments de tendresse, de douceur aussi… malgré la grande violence de la situation. Et ce contact récurrent avec les choses de la nature. Je n’ose vous en dire davantage pour ne rien brûler.
Voici le ton, un de ces tableaux.
Avancée/Bois debout
Un tremble est tombé en travers du début du sentier, son écorce gangrenée, ses branches noires. Des insectes ont creusé des sillons en surface.
Je m’appuie sur un bouleau pour le franchir. Le tremble n’est pas tombé complètement au sol ; il s’appuie sur les branches d’un arbre plus petit, qui a lui-même l’air sur le point de s’effondrer.
Je caresse l’écorce douce du bouleau. Ou c’est l’inverse. La forêt m’enserre, se referme presque au-dessus de ma tête. J’écarte les toiles d’araignées invisibles tendues entre les branches avant qu’elles ne me collent au visage.
Un peu plus loin, j’apprécie la droiture des conifères, qui brisent ce plafond de feuilles, qui ménagent des trouées pour le blanc du ciel. Pour l’instant, les branches tentent encore de se rejoindre d’un côté à l’autre, quelques petites pousses au sol se hasardent à s’enraciner.
Tout est en équilibre précaire. J’entends la rivière. Il me faudrait m’approcher pour la voir.
Virginie Blanchette-Doucet. 117 Nord, Montréal, Boréal, 2016, 159 pages.