« Mon secret »
Si je vous le disais que vous êtes jolie,
Jolie à rendre fous les hommes et les dieux
Et qu’en vous regardant, mignonne, l’on oublie
Qu’il est un autre ciel que celui de vos yeux.
Si je vous le disais que sur vos lèvres roses,
Une abeille viendrait, aveuglément, puiser
Ce doux miel qu’elle va butiner sur des roses
Qu’un rayon fait éclore, et rougir un baiser ?
Si je vous le disais que depuis la soirée
Où vous parûtes lors pour la première fois,
Votre image toujours de mystère parée
Passe comme un éclair dans mes rêves, parfois ?
Si je vous le disais !… mais je ne veux rien dire,
Mon secret est de ceux qu’on garde prisonniers,
Car si je le disais, l’on en pourrait sourire
Et vous-même, qui sait ? ce que vous en diriez ?
Gonzalve Desaulniers (1863-1934), Les bois qui chantent, Montréal, Librairie Beauchemin, 1930, p. 79s.