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« Conte à la lune »

Voici un poème, un véritable envol, d’une jeune femme de 26 ans.

Une Rose Latulippe.

Chant de la nuit également.

Trouver aussi bonheur dans la campagne.

 

 

 

 

Conte à la lune

Le bal ! mot désuet, chose encore plus rare :

À quoi bon nos ébats sur de pauvres carreaux ?

Vous nous leurrez en vain dans les salles de bar,

Couples, fumée, cocktails et langueur des tangos.

 

Plutôt le bal en règle, au vrai palais du prince ;

Qu’un soir, vite, qu’un soir, nous rêvions seulement

D’y conduire endormis, à travers la province,

Je ne sais quel espoir et quel ravissement !

 

On attelle à la porte (oh ! marraine, marraine) :

Adieu mes sœurs, mon jour, huche, soucis, haillons !

Voici le pur satin sur ma robe de laine,

Comme dans la légende et comme Cendrillon.

 

Au bal, frêle, filer parmi la nuit précoce,

Vers la campagne au loin, qui fleure le sachet,

— Toque, toque, mon âme ! — en citrouille-carosse,

Et, roides après nous, deux rats blancs pour valets !

 

Là-bas, bientôt, danser sans regret ni revers,

Selon le rythme ardent d’une étreinte joyeuse,

Et, sur quelles douceurs de tapis ténébreuses,

Sentir glisser plus tard sa mulette de verre !

 

Tourner, tourner au vol des musiques éparses,

Avec l’illusion, quelque part dans son cœur,

Que la vie tient entière en ce morceau de valse,

Et que le premier bal est le premier bonheur !

 

Jeannine Bélanger, Stances à l’éternel absent, Hull, Les Éditions L’Éclair, 1941.

Jeannine Bélanger, écrivaine, poète et traductrice, qui signa à l’occasion sous le pseudonyme de Magnarelle, est née à Hull en 1915. De 1941 à 1984, elle fut l’auteure de six ouvrages. Celui-ci fut son premier.

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