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La population colorée de Pointe-Gatineau

inondation a pointe gatineau

Sous le titre Mœurs étranges, Pointe Gatineau, P. Q., La Patrie du 14 janvier 1905 y va de ce texte savoureux sur cette communauté des rives de la rivières des Outaouais.

Cette population est presque exclusivement canadienne-française et parle un patois dont le vocabulaire est très abrégé et fort piquant. Ils ressemblent beaucoup sur ce point aux Chouayens de Charlesbourg.

Ces gens sont de rudes travailleurs et ne reculent jamais devant la besogne même la plus pénible. Ils sont très attachés à leur village et à ses coutumes.

Plusieurs d’entre eux ont été mentionnés dans les journaux pour des actes de bravoure. […] Ils sont tous bons chaloupiers et nagent comme des poissons.

Les alliances ne se contractent qu’entre gens du village. Cela explique les liens de parenté qui les unissent presque tous.

La défiance et la superstition sont deux traits distinctifs de leur caractère. Les citadins surtout leur portent ombrage, et puis ils pourraient bien se moquer d’eux.

Ils croient encore à la chasse-galerie, aux feux-follets, aux loups-garous, aux gros lutins et aux sorciers, et ils racontent des histoires, des faits étranges dont ils ont été témoins, il y a des années, dans les chantiers du haut de la Gatineau, quand les loups-garous et les chasse-galeries étaient tout puissants.

Plusieurs d’entre eux disent avoir pris passage à bord de la chasse-galerie, qui les conduisait toujours à l’endroit désiré, pourvu, toutefois, qu’ils fermassent les yeux et s’abstinssent de prononcer certaines paroles nuisibles au sortilège. D’après ce qui se dit, il y a encore des loups-garous dans le village, mais ils se font de plus en plus rares. […]

À la Gatineau, le verbe emmancher a une large application. Il est synonyme de construire, bâtir, faire, réparer, modifier ou arranger. Un homme construit-il une chaloupe, on dit qu’elle est bien ou mal emmanchée, etc.

Il est de mode de jurer et de blasphémer. Il y a des enfants de quatre ans qui jurent comme de vieux troupiers. Cela fait partie de l’éducation première. Demeurer à la Gatineau et ne pas savoir jurer, ça ne se voit guère. […]

Si quelqu’un fait une injustice à un étranger ou se rend coupable de quelque méfait, on se donne bien garde de le dénoncer. Pour se venger, il pourrait bien incendier la propriété du délateur, détruire sa chaloupe ou la lancer dans le courant à la dérive, pour jouir des peines que se donnera son propriétaire pour la retrouver. […]

Un garçon fait peu de cas d’épouser une fille de réputation délabrée. Pourvu qu’elle lui promette fidélité, ça suffit.

Puisque tous les hommes vont aux chantiers en hiver, et l’été ils rentrent au village chanter les chansons apprises la saison précédente et débiter les nouveaux jurons ajoutés à leur répertoire.

Cet état de choses règne depuis plusieurs générations et ce n’est pas celle-ci qui la changera. Les Gatinois ont le culte des ancêtres.

G. VU.

 

Pointe-Gatineau, sur la rivière des Outaouais, a connu à quelques reprises de graves inondations. Ici, nous sommes en 1947. La photographie est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lute contre les changements climatiques, Documents iconographiques, Constructions et excavations sur les cours d’eau du Québec, cote : E57, S44, SS1, PD1-25.

Sur la chasse-galerie, voir ces billets où il en est fait mention.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Michelle Guitard #

    Intéressant. Mais ce n’est pas «emmancher» mais «amancher» que nous entendions.

    Il y a des caractéristiques très semblables à celles d’autres villages québécois!
    Donc pas particulier aux rives de la Gatineau.

    Entre autre, pour l’attachement aux légendes locales. Mais la chasse-galerie a tellement plût que plusieurs autres localités du Québec ont voulu la situer chez eux.

    Ils ne nageaient pas tous, même les draveurs sur leurs billots!

    Quant aux mariages avec une fille de mauvaise réputation, soit qu’il manquait de filles à marier, soit que les hommes savaient que les filles de mauvaise réputation pouvaient être des femmes généreuses et fidèles. Ils voyaient probablement loin sur la valeur d’une femme que sa virginité, comme plusieurs hommes aujourd’hui. Il y aurait toute une recherche sociologique à faire sur ce sujet!

    19 février 2016
  2. Jean Provencher #

    Ô merci, chère Michelle. Fort heureux d’avoir de tes nouvelles ! Bien belle journée.

    Jean

    19 février 2016

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