À Québec, on manque de servantes
La nouvelle provient du correspondant de La Patrie dans la capitale. Traits de civilisation.
La colonne des petites annonces dans les journaux locaux est remplie de demandes de servantes. La semaine dernière, un particulier faisait insérer la suivante chez un confrère quotidien : «On demande une servante dans une famille de deux, sans enfants. Pas de lavage, ni de cuisine à faire, Mademoiselle pourra recevoir ou sortir tous les soirs…..»
À la dernière heure, notre homme n’avait pas encore trouvé de servante. Le propriétaire de l’un de nos grands hôtels disait l’autre jour à votre correspondant que depuis le mois de mai dernier, il est en quête de filles de table. Il a dépensé $20 en annonces inutiles, et aucune demoiselle ne s’est encore présentée, quoique le salaire offert est le double de ce qu’il était les années précédentes.
Votre correspondant a visité un bureau de placement de servantes, au faubourg St-Jean, et il a été informé qu’il y avait vingt demandes de servantes contre une recrue que la directrice du bureau fait venir de la campagne, grâce à force de promesses d’un salaire alléchant et en échange de services faciles.
Une dame de la haute société déclara l’autre jour à votre correspondant que les dames seules sont responsables de cet état de choses. La plupart de ces dames sont devenues très difficiles dans leur choix de servantes. Celles-ci exigent que la servante parle deux langues. Celle-là insiste pour que mademoiselle, qui a pour nom Eulodie, s’appelle dorénavant Marie ou Bridget.
Outre cela, les hôtels aux places d’eau dans le bas du fleuve, qui attirent un si grand nombre de touristes tous les étés, recueillent la plupart des servantes de cette ville. Les propriétaires donnent de très bons salaires, durant les six ou huit mois que l’hôtel est ouvert, à ces jeunes filles qui s’empressent de quitter nos familles pour aller passer la belle saison dans un endroit beaucoup plus gai; et, l’hiver arrivé, elles se retirent dans leur famille, où elles dépensent leurs recettes en attendant le retour du printemps.
Il va sans dire que dans un grand nombre de familles de cette ville, il y a des servantes qui sont satisfaites de leur position. Celles-là ne songent pas à quitter leur emploi. Mais, en général, chez les nouveaux mariés ou chez les autres gens qui ont besoin de servantes, il est quasi impossible d’en trouver. Et si le hasard en amène une à leur porte, il faut parlementer chapeau bas et payer les yeux de la tête pour des services sur lesquels on ne peut compter que pour un temps très limité.
La Patrie (Montréal), 5 août 1897.