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«L’odeur des foins»

veilloches deuxLorsqu’avait paru le huitième et dernier volume de ses œuvres complètes, le poète et auteur dramatique français Joseph Autran (1813-1877) était quand même un brin déprimé. Il avait déclaré : «Je continue à faire des vers et je ne sais pas trop pourquoi… Je suis venu au monde à un mauvais moment… Être tombé sur le siècle d’Alfred de Musset, de Lamartine et de Victor Hugo, c’est véritablement un peu dur… Comment lutter ? Comment ne pas être écrasé?»

Ce commentaire d’Autran paraît dans l’hebdo montréalais L’Opinion publique du 18 août 1881.Mais qui est donc cet auteur originaire du sud de la France et qui m’est complètement inconnu ? Extrait de son ouvrage La Vie rurale : tableaux et récits, paru en 1856, et numérisé sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.

 

L’odeur des foins

 

Le jour baisse; les pins, qu’un vent tiède balance,

Du couchant sur nos fronts bercent les reflets d’or;

Le vallon se recueille et le champ fait silence :

Dans le pré cependant les faneurs sont encor.

 

Les laboureurs lassés, remontant à la ferme,

Ramènent les grands bœufs au pesant attirail;

Chacun songe au repos, chacun rentre et s’enferme;

Les faneurs dans le pré sont encore au travail.

 

Les voyez-vous là-bas, au bord de la rivière,

Marcher à pas égaux, d’un rythme cadencé ?

Ils mettent à profit ce reste de lumière

Pour finir le travail dès l’aube commencé.

 

Sous le soleil de feu, sans trêve ni relâche,

Ils ont coupé les foins au village attendus;

Ils ne partiront pas sans achever leur tâche :

Ils veulent qu’à la nuit tous leurs prés soient tondus.

 

De la rapide faux l’éclair par instants brille,

À travers la distance il éblouit nos yeux;

Par instants, une voix d’homme ou de jeune fille

Arrive à notre oreille en sons clairs et joyeux.

 

Dans le calme du soir, il fait bon de l’entendre !

Il fait bon d’aspirer, dans un air frais et doux,

Ces odeurs de gazons, ces parfums d’herbe tendre

Qui, du talus des prés, s’élèvent jusqu’à nous !

 

Le jour s’efface au loin; ses lueurs étouffées

Meurent sur les hauteurs, s’éteignent sur les eaux;

Et chaque vent qui passe apporte par bouffées

L’enivrante senteur des herbes en monceaux.

 

Et ce qu’on ressent, c’est un calme suprême,

C’est une volupté sans ardeur ni transport, —

C’est le recueillement de la nature même,

Qui, sous l’aile de Dieu, confiante s’endort !

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